Face aux aléas de la vie, être un « Mensch »

Face aux aléas de la vie, avoir du courage, de l’expérience, de la justesse, de la persévérance, sont des conditions sine qua none pour s’en sortir. En Yiddish, le mot « Mensch » décrit des qualités pleines de bon sens qui permettent de pouvoir se regarder dans le miroir chaque matin. Élie Ohayon est un rav, sorte de « cardinal » chez les rabbins. Gitelman Yitzhak a été fonctionnaire au sein des Nations-Unies. Ils nous apportent ici leurs éclaircissements quant à cette notion… Qui est un mode de vie en soi.

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Le concept de Mensch est fondamental dans l’éducation juive. Respecter et honorer ses parents. Faire de sa famille une priorité. Se comporter avec droiture. Faire le bien autour de soi sans vouloir en tirer un quelconque bénéfice. Être respectueux et poli. Ne pas oublier les moins fortunés que soi. Des valeurs naturelles dont on peut penser qu’elles sont intrinsèques à chaque personne que l’on croise… Et pourtant, elles se font rares. Pour Élie Ohayon, un rabbin basé en Israël, il faut revenir en arrière. Commencer par préciser que les écritures saintes dans la religion juive rappellent des « essentiels » comme « tu ne tueras pas » ou « tu ne voleras pas », mais que très vite, des règles telles que « tu respecteras tes parents » arrivent. « Lorsque votre père ou votre mère hausse le ton, vous baissez la tête. Et peu importe l’âge ! ».

Chercher à s’améliorer

En contrepartie, les parents bénissent leurs enfants chaque vendredi soir, afin que ces derniers soient « comme les enfants de Jacob ». « Si les parents montrent l’exemple, les enfants ne peuvent contrer leurs consignes » poursuit-il.

Alors, les règles et l’étude stricte de ces dernières forgent une sorte de colonne vertébrale bien droite. Et l’amour vient couronner le tout.

En avançant ensuite sur le chemin de notre vie, en cas de questions, on se tourne tout naturellement vers nos parents, ou vers le rabbin. Le doute est permis, s’interroger aussi. Ainsi, on acquiert sans cesse des connaissances. On cherche à s’améliorer. Ces fondamentaux semblent être les excipients de base pour devenir un Mensch. Un fiable. Un intrépide. « Vous savez, nous ne devons pas dire du mal des autres » précise Élie Ohayon. « Faire honte à son prochain est interdit ». « Hessed haïm ». « Fais attention à ta bouche. Ta langue peut construire comme elle peut détruire ». Simple, efficace, applicable pour tous. « Si un couple d’amis se dispute, nous devons les réconcilier ». Cela change grandement de l’état esprit vicieux qui consiste à enfoncer l’autre, les autres, ou à vouloir les atteindre par la calomnie plutôt que de travailler sur soi-même afin de se bonifier. On dit que les pervers, s’ils ne peuvent plus vous contrôler, vont chercher à contrôler la perception des autres sur vous. Tout le contraire du Mensch, qui lui reste sage. Droit dans ses bottes. Humble. « Quoi de mieux que de donner à un mort pour prouver notre générosité ? ».

L’exemple de Mamoudou Gassama

Le sourire d’Élie Ohayon à ce moment-là est contagieux. Le Mensch donne et ne se prend pas en photo pour poster ensuite sa B.A sur Instagram. Il sauve la vie de votre enfant, et par conséquent la vôtre, sans s’en gargariser. Il arrive discrètement, agit héroïquement et s’en va avant même que vous n’ayez retrouvé vos esprits. Et puis, face aux personnes qui vous écrivent vouloir vous aider, mais n’en font rien en réalité, il existe une expression : « bir kavod ». « Peu importe les circonstances, sois toi-même un Mensch ». « Le Roi David a dit, dans ses psaumes, “puisse le bien me poursuivre toute ma vie”, continue Élie. « Vous souvenez-vous de ce jeune homme en France, qui avait sauvé un enfant suspendu dans le vide, au quatrième étage d’un immeuble à Paris…? Mamoudou Gassama, un sans-papiers, originaire du Mali. Lui c’est un Mensch ». Travail, famille, amis… Tout serait si bon si nous étions en permanence en grâce les uns avec les autres. « Cela se travaille, d’être agréable… Nous avons aussi la notion du ‘hovot’ (un commandement, une évidence, NDLR) et parmi eux, l’idée de ne pas chercher à éduquer les autres. S’éduquer soi-même. Si l’on a une remontrance à faire, il faut bien choisir les mots. Si l’autre ne veut rien entendre, le laisser. Dans une assiette de fruits, il y en aura toujours quelques-uns qui seront pourris… Quant  à celles et ceux dont le libre arbitre leur fait faire de bonnes choses, il y a la récompense », termine l’homme pieux.

L’honnête homme

Gitelman Yitzhak, ancien fonctionnaire des Nations Unies, apporte un éclairage complémentaire à notre lanterne… « Si l’on se penche sur la traduction littérale de Mensch, on trouve un Homme. En anglais, nous dirions « a decent man », ou « a decent gentleman ». C’est l’honnête homme du XVIIème siècle », explique-t-il. « D’ailleurs, ce précepte s’applique aussi bien aux homme qu’aux femmes… Il s’agit de faire preuve de courage intellectuel, éventuellement de courage physique. Être convenable, en fait », poursuit cet homme à la voix si sage.« Contrairement aux personnes qui utilisent leur science sans conscience, le Mensch fait preuve d’une honnêteté intellectuelle.Voyez cela comme une notion prosaïque qui vient du Yiddish même si ce n’est pas, à mon sens, uniquement religieux. C’est plutôt séculier. Le Mensch n’est pas un être parfait, c’est le minimum que l’on puisse attendre d’un être cher à qui l’on a accordé sa confiance… Comme dans la chanson Juste quelqu’un de bien, de Enzo Enzo… Mais il est vrai que, par les temps qui courent, il se fait rare d’en rencontrer un ».

« J’dis bonjour à la boulangère, je tiens la porte à la vieille dame, des fleurs pour la fête des mères, et ce week-end à Amsterdam… Juste quelqu’un de bien, quelqu’un de bien, le cœur à portée de main…« 

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