Organisation apprenante : 4 astuces pour accompagner les devoirs de vos enfants

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© Can Stock Photo / michaeljung

Depuis maintenant plus de 6 semaines, les enfants travaillent depuis chez eux, aux côtés de parents qui doivent s’improviser en véritables « coachs éducatifs ». Et même avec le déconfinement, cette situation va perdurer pour beaucoup. Comment accompagner les enfants dans leur apprentissage ? Comment leur permettre d’acquérir un maximum d’autonomie ? Le réseau Différent et Compétent, qui a développé des outils sur le concept d’organisation apprenante*, propose 4 astuces pour aider les enfants à bien travailler à la maison.

1 – Se fixer avec l’enfant des objectifs sur la séquence de travail et les respecter

« Que voulons-nous réussir ensemble et comment s’y prendre pour y arriver ? ». Associez l’enfant dès le départ et décidez ensemble de l’organisation de la séquence de travail. Par exemple, proposez-lui de partir du moins attractif au plus attractif à ses yeux, ou inversement, comprendre sa motivation. Négocier la méthode vous en dira long ou vous surprendra sur le fonctionnement intellectuel de votre enfant, ce qui sera précieux ensuite pour prendre appui ou recadrer.

2 – Créer un environnement facilitateur

Sachez négocier les moments de travail ou de jeu. Il s’agit d’identifier les capacités de concentration de votre enfant, à quel moment et pour quelle durée. Aménager un espace de travail n’est pas forcément un espace où l’enfant est assis devant un bureau. Les neurosciences ont démontré que l’homme apprend en mouvement. Il peut être plus facile pour certains enfants qui ont des difficultés à se concentrer d’apprendre une leçon en marchant, en chantant, en dessinant… L’idée est de reconnaître l’enfant dans sa capacité et ses besoins à apprendre, se concentrer tout comme papa et maman qui télétravaillent et qui rencontrent aussi peut-être les mêmes difficultés de concentration.

3 – Créer une « œuvre commune »

L’enseignant est celui qui donne les devoirs, il a sa méthode, ses outils. Il est aussi intéressant d’intercaler un espace de co-construction entre le parent et l’enfant. C’est l’enfant qui va résoudre le problème de calcul, sachez nommer tout ce que vous allez apprendre grâce à lui. « Heureusement que tu en parles, je ne savais plus le faire. » Vous devez vous positionner en tant que parent autant en ignorant que sachant (référence aux réseaux d’échanges réciproques de savoirs). « T’aider à apprendre m’apprend aussi et me fait progresser. »

4 – Reconnaître les apprentissages

Inventer un journal d’apprentissage : dessins, schémas, listes… Garder une trace de ce que l’enfant a appris aujourd’hui, cette semaine. Ce journal permet à l’enfant de se regarder apprendre, se regarder progresser. Cela renforce sa confiance en soi et stimule son envie d’apprendre. L’enfant est ainsi auteur et acteur de ses progrès. Le journal consigne également « le contrat » avec l’entourage, il rappelle les règles de conduite que chacun s’est fixées (le contrat pédagogique négocié, le cadre) dans le respect de chacun. C’est donc essentiel !

Pour conclure

Il est important aussi d’apprendre de l’expérience vécue sur notre façon de travailler, c’est-à-dire de prendre le temps de réfléchir, d’évaluer nos choix et les résultats de ce que nous avons créé ensemble:: « Qu’est-ce qui a bien marché ? » avant de se projeter sur l’après « qu’est-ce nous gagnerions à faire autrement la prochaine fois ? ».

* Différent et Compétent Réseau fédère et anime 800 établissements médico-sociaux afin de leur permettre de mutualiser les outils, développer la reconnaissance de compétences des personnes en situation de handicap, œuvrer pour la reconnaissance de la RAE (Reconnaissance des Acquis de l’Expérience) et remettre en question les organisations de production pour les faire tendre vers de nouvelles organisations apprenantes.

** Le concept d’organisation apprenante vise à repenser l’organisation du travail à partir d’une gestion par les compétences, où l’adaptation constante se fait en misant sur le potentiel des personnes et l’intelligence collective.


André Giordan : « une éducation aux émotions a toute sa place et peut commencer à la maison »

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André Giordan

André Giordan nous éclaire sur ce qui se joue pour l’élève, ses besoins et l’importance de créer des organisations facilitantes. Ancien instituteur, professeur de collège, puis Professeur d’Université à Genève, il est le fondateur du Laboratoire de Didactique et d’Épistémologie des Sciences, où il crée les sciences de l’apprendre. Auteur du best-seller Apprendre à Apprendre (Librio), de J’apprends au Collège (Playbac), et de J’apprends à l’école (Playbac), il accompagne nombre d’écoles et de formations innovantes.

« Apprendre est un vrai métier. Or, l’école et les centres de formation en fournissent rarement les modes d’emploi. Ils déclament, dictent, font faire des exercices, traitent de contenus dont les apprenants ne savent pas à quoi ils correspondent… Dès lors, le désir d’apprendre se perd au cours de la scolarité. Et certains enfants ou adultes ont-ils tant de difficultés à apprendre ? Quels sont les outils qui facilitent l’apprendre ? Mais que veut dire apprendre ? Comment se mettre au travail ? Quelle est la place de la personne dans ce processus ? Et en tant que parent, que puis-je faire – et surtout ne pas faire – pour l’accompagner ?

Ce confinement est une bonne période pour interroger les processus scolaires. Les parents se rendent compte que l’enfant ou l’adolescent n’apprend pas une leçon comme il prend une pilule ! Et ce n’est pas dans ses seuls gènes qu’il trouve la solution pour réussir à l’école ! Chacun – enfant, adolescent, adulte – possède sa propre façon d’apprendre, de comprendre ou de mémoriser. Tous sont différents !
Sur ce plan, il y a ceux qui ont besoin de “photographier” ce qu’ils vont apprendre. Pour eux, un croquis, une carte, un schéma valent tous les discours. D’autres ont besoin de se répéter la leçon à voix haute ou de se parler à voix basse. D’autres encore doivent faire, ressentir, associer des mouvements ou s’inventer une démarche propre, etc. Pourquoi veut-on tous les faire entrer dans une seule norme ?

Plus l’enfant ou l’adolescent maîtrise différentes approches, mieux il mémorise, mieux il sait répondre. Encore faut-il qu’il sache s’organiser, gérer son temps, comprendre les consignes, prendre des notes… Apprendre à apprendre est un passage incontournable. Il n’est plus un simple consommateur qui attend que le prof. enseigne, il devient “auteur” de son apprentissage. Bien sûr, si la personne qui apprend y trouve du sens.

Alors que l’erreur est souvent évacuée des systèmes de formation, il est possible de faire réfléchir l’apprenant sur la nature de son erreur pour la dépasser.

Par ailleurs, l’erreur à l’école reste considérée comme une “faute”, avec les conséquences dramatiques, bien connues : la passivité, la perte de confiance, et à terme le décrochage. Connaissant sa progéniture, le parent peut dédramatiser l’erreur. Il peut la considérer comme un simple “faux pas”, “un oubli passager”, “une inexpérience” ou “une incompréhension”. Pourquoi ne pas la positiver : “on va tenter de la comprendre et de la travailler”. Alors que l’erreur est souvent évacuée des systèmes de formation, il est possible de faire réfléchir l’apprenant sur la nature de son erreur pour la dépasser ; elle devient un outil pour apprendre.

Enfin pour l’institution, apprendre est seulement affaire de cognition, aucune place n’est envisagée pour les émotions, et par là, pour la personne qu’est l’élève. Or, les activités scolaires suscitent en permanence toutes sortes d’émois : c’est le plaisir d’apprendre, la peur de l’interrogation écrite, la joie de réussir, la colère d’avoir raté, la tristesse d’être rejeté par les autres, etc.

Les émotions positives facilitent la réussite dans les apprentissages.

L’école propose des concepts et des approches qui s’inscrivent dans une structure prédéfinie, celle d’un programme pensé en amont, par rapport à des savoirs académiques. Une éducation aux émotions a toute sa place et peut commencer à la maison. Les émotions positives facilitent la réussite dans les apprentissages. Savoir exprimer, clarifier, réguler ses propres émotions et celles des autres sont des compétences à acquérir qui contribuent à l’épanouissement des jeunes à travers une meilleure confiance et estime de soi. En sus, elles favorisent la qualité du climat scolaire, elles peuvent même remotiver un décrocheur. Pour éduquer vraiment, les contenus de l’école ne peuvent plus se limiter à formater un “bon” consommateur. »

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