Stratégie du conflit, règle n°13 : monter au balcon

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Tout conflit et même toute discussion se déroule sur deux plans : le plan du contenu — disons le rez-de-chaussée — qui concerne l’objet de la discussion ou du conflit. Et un autre plan, qui concerne la relation entre les personnes concernées.

Qui n’a pas vécu cela ? Un repas de famille où, entre la poire et le fromage, la discussion vient sur un sujet sensible. Par exemple un débat sur la politique suivie par le gouvernement dans tel ou tel domaine. Un sujet sensible, parce qu’il est tard, parce que les esprits sont échauffés, parce que cette discussion n’est peut-être que l’apparence de non-dits et de ressentiments non exprimés. Toujours est-il que l’affaire tourne à l’empoignade. Après coup, on se demandera comment on en est arrivé là… Comment un moment censé être convivial et agréable a tourné au cauchemar avec des pleurs et des claquements de portes.

Tout cela, parce qu’aucun des protagonistes n’a eu la présence d’esprit de poser la simple question : « Que sommes-nous en train de faire ? »

Poser cette question, c’est « monter au balcon ». C’est-à-dire quitter le plan du contenu et regarder la situation avec un peu de hauteur et s’interroger sur ce qui se passe entre nous, non pas du point de vue de l’objet de notre conversation, mais du point de vue de notre relation.

Embarqués dans nos arguments et la rage de vouloir avoir raison, nous ne voyons pas en effet que nous sommes peut-être en train de mettre à mal cette relation. Nous la piétinons sans nous en rendre compte.

D’un autre côté, il se peut aussi que les blessures de la relation viennent polluer le débat à notre corps défendant. La remarque assassine de la tante Irma le jour de notre première communion vient nous donner envie de lui clouer le bec ; le côté « j’ai toujours raison » de l’oncle Émile nous pousse, pour une fois, à lui montrer qu’il a tort. Non seulement ça ne fonctionne pas, mais, comme il s’agit de sous-entendu, la blessure agit comme un abcès. Et ça peut faire mal, très mal.

Pente glissante

Monter au balcon, c’est précisément — peut-être pas crever l’abcès (après tout, ce n’est pas forcément le moment non plus de tout déballer) —, mais évite d’empirer la situation. Dire simplement qu’on est sur une pente glissante, que l’occasion n’est pas forcément la mieux choisie pour cette conversation, que personne n’a sans doute envie que la situation vire au pugilat…

Il en est de même en situation professionnelle, y compris si la conversation n’a rien d’incongru et doit être poursuivie. Monter au balcon, c’est rappeler à chacun que nous sommes en train de nous parler d’humain à humain. C’est comme enlever les masques des rôles que nous nous étions attribués pendant la joute verbale — le masque du défendeur de telle ou telle cause, le masque du contradicteur —, pour nous souvenir quelles personnes nous sommes derrière ces masques.

J’ajouterai que ce moment de prise de hauteur est aussi l’occasion de nous rappeler aux uns et aux autres les objectifs que nous poursuivons, le chemin que nous cherchons, pour peut-être nous souvenir que la conversation qui se déroule en ce moment même est une impasse et n’a aucune importance vis-à-vis des buts de chacun d’entre nous.

Monter au balcon, c’est, en toute circonstance, nous donner les moyens de voir quels rois nus nous sommes.

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