« Tout est exercice, chemin de libération »

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Alexandre Jollien

Vivre sans pourquoi, quitter la dictature de l’après, se détacher du poids du qu’en-dira-t-on, oser un amour plus vrai, tout cela réclame un véritable art de vivre. Alexandre Jollien retrace dans ce livre (Vivre sans pourquoi) l’itinéraire spirituel qui l’a conduit à tout quitter pour s’installer avec sa femme et ses trois enfants en Corée du Sud. 

« Je vis grâce à cette truite grillée, ce chou mariné, cette limonade et le sourire de ma femme.

Tout à l’heure, Junho va m’aider à me raser, puis mon bon professeur de coréen m’appellera sur Skype en réclamant, pour unique salaire, des progrès.

S’offrir des cures de gratitude, pour se rééduquer, redémarrer à tout âge. Non, ce n’est pas tenir compagnie à Monsieur Coué que de se concentrer sur le bien.

Je peste en face de ce plat immonde, mais j’oublie de me réjouir devant ce mets bien préparé chaque jour par mon épouse.

Non, ce n’est pas mièvre de s’émerveiller ! Se rapprocher du réel, bien ouvrir les yeux, être là. Orienter le regard sur tout ce qui va bien. Ce qui contrarie, et ça ne manque pas, se rappellera très vite à nous !
Dire merci, au fond, c’est sentir que tout circule, se partage, se donne et se reçoit. Un pas de plus et , certains jours, je peux même témoigner quelque reconnaissance envers l’épreuve et le handicap.
Maître Eckhart m’y aide : « Dieu donne à chacun ce qui vaut le mieux pour chacun et lui convient. Pour tailler un vêtement à quelqu’un, il faut le faire à sa mesure ; un vêtement qui irait à quelqu’un n’irait pas du tout à l’autre. Chacun reçoit selon ce qui lui convient. Ainsi, Dieu donne à chacun ce qui vaut le mieux pour lui, ce que Lui, qui sait, reconnaît pour le plus convenable ; »

Redoutable conversion du regard exigée par le mystique. Tout ce qui arrive est le meilleur pour moi, même cette immense tuile qui me tombe dessus.

La chance, c’est de faire avec sa malchance.

Si de mon cœur sortent des « merci », plus encore de ma bouche s’échappent des « bon sang », des « merde », des « j’en ai ras le bol ».

Tout est exercice, chemin de libération. »


Alexandre Jollien, Vivre sans pourquoi, Points, 2017.

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