Apprentissage : comment l’UIMM Sud séduit les nouvelles générations

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Les plateaux techniques, atout séduction pour les éventuels candidats à l’alternance

L’UIMM en PACA envisage de doubler d’ici cinq ans le nombre de ses alternants, aujourd’hui à 1200. Un défi sachant que ni le secteur secondaire ni l’apprentissage n’ont bonne presse auprès de la population. Pour le syndicat professionnel, culture du terrain et capacité à innover sont vitaux pour capter des générations aux aspirations bien différentes de celles de leurs aînés.

S’il y a bien une filière qui sait ce que double peine veut dire en termes d’image, c’est bien celle de l’industrie. Jugé peu glamour, le secteur secondaire se heurte forcément à la pénurie de main-d’œuvre, d’autant que les vagues de désindustrialisation et de délocalisation successives ont vu s’étioler les viviers qualifiés de professionnels de la chaudronnerie, soudure et autre mécanique. Dès lors, c’est vers l’apprentissage qu’elle se tourne, oui, mais… celui-ci non plus n’a pas toujours eu bonne presse, longtemps taxé d’orientation par défaut, même si les représentations changent peu à peu. Recruter des alternants peut donc s’avérer un véritable challenge. C’est notamment le cas à l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) qui envisage de doubler le nombre de ces derniers dans ses rangs à horizon cinq ans. L’ambition est nationale, elle est reprise bien évidemment au sein des instances régionales, comme en PACA, où le syndicat professionnel compte « 1200 apprentis dont 500 à Istres sur notre Pole de Formation et 700 via des écoles partenaires », avance Laurent Silvestrini, responsable observatoire-emploi et marketing stratégique du Pole Formation de l’UIMM Sud. Cette dynamique partenariale est le fait d’un homme, Jean-Pierre Dos Santos, directeur du pole. « Il a su être innovant en créant ses ponts avec les deux rectorats du territoire, ce dès 2006, ce qui ne se faisait pas ailleurs ».

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L’industrie, un secteur qui se féminise

Susciter les vocations, un jeu de plateaux

Et innovant, il faut l’être pour attirer le chaland. Le syndicat professionnel ne s’en prive pas, comptant sur son site d’Istres « 13 000 m2 dédiés notamment aux industries du futur ». Des plateaux techniques évoluant en tenant compte de travaux de prospective, menés avec des cabinets spécialisés. « Depuis deux ans, nous nous sommes dotés d’un hall aéronautique de 3000 m2 composé de plusieurs aéronefs, trois hélicos, des moteurs, des rotors, des simulateurs de maintenance, une training room… Il a pu voir le jour grâce à nos partenariats avec les géants du secteur présents en PACA, Safran Aircraft, Thales alenia space, Airbus Helicopters… » Tout fraîchement lauréat d’un troisième PIA (programme d’investissement d’avenir), l’UIMM Sud va aussi pouvoir, grâce à ces deniers publics, donner cours à un nouveau pole formation aux métiers de la mer répondant à la même configuration en plateaux techniques, projet piloté avec l’université de Toulon et le CMQ (Campus des métiers et qualifications) Mer PACA. « Le PIA permet d’investir dans ces équipements innovants », lesquels constituent un levier en termes d’attractivité, dès lors qu’il s’agit de susciter des vocations. Car les portes du pole d’Istres s’ouvrent régulièrement au public, comme à l’occasion des mercredis de l’industrie. « Lorsqu’ils viennent et découvrent sur les lieux robots et cobots, réalité virtuelle et augmentée, imprimantes 3 D… ils ont une autre vision de notre filière. On arrive à les convaincre, eux et leurs parents ».

Mais encore faut-il aller les chercher en amont. Et le sourcing, explique Laurent Silvestrini, c’est justement ce qui mobilise toute l’énergie du Pole, qui vise non seulement les jeunes scolarisés, mais aussi les plus âgés en quête de reconversion, ainsi que les décrocheurs. Devant des professions qui se féminisent de plus en plus, l’UIMM a également fait des filles une des cibles de sa communication. « Nous sommes lauréats nationaux d’un appel à projet lancé dans le cadre du PIC (plan d’investissement dans les compétences) et donc à ce titre impliqués dans la mise en place des PAI, ou prépa apprentissage industrie. Nous ciblons des jeunes qui n’ont aucun niveau, la prépa étant conçue pour leur mettre le pied à l’étrier. Pendant les deux premiers mois, ils passent dans chaque atelier, retravaillent le savoir-être. Puis dans une deuxième phase, on passe au projet professionnel. Au bout de quatre mois, ils se dirigent vers un bac pro ou un titre professionnel ». Et là encore, il faut capter les candidats à cette PAI, « faire du travail de terrain pour sourcer les jeunes auprès des prescripteurs : Pôle Emploi, associations, centres sociaux, missions locales, structures de politique de la ville… Nous sensibilisons aussi en amont les élèves de 4e, de 3e… Nous collaborons pour ce faire avec des lycées d’Istres, de Marseille, de La Seyne/mer ».

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L’apprentissage constitue une solution de choix pour reconstituer des viviers de personnes qualifiées

« Les réseaux ne suffisent plus »

Le sourcing en question s’affranchit parfois des voies traditionnelles. Avec Pole Emploi lui aussi partenaire du syndicat, a été organisé récemment un événement dans un bowling du Var appelé « Strike ton job ». « Entre deux parties, jeunes, formateurs et conseillers parlent industrie, apprentissage… L’ambiance est conviviale et décalée. C’est le genre d’opération qui peut être attractive pour les générations Y et Z plus facilement séduits par les initiatives ludiques et disruptives. Il faut faire aussi preuve d’inventivité pour les accrocher, aller sur leur terrain. Car aujourd’hui pour les toucher, les réseaux ne suffisent plus ».

Un constat général à nuancer, puisque tous les métiers de l’industrie ne subissent pas également la désaffection des candidats. On manque plus spécifiquement d’opérateurs de maintenance, de mécaniciens industriels, de soudeurs, chaudronniers, tuyauteurs ou électriciens. L’aéronautique en revanche demeure une filière reine ». C’est ce que constate Sophie Deshons-Dossetto, présidente de Deshons hydraulique, n’éprouvant « pas de difficultés particulières à recruter des alternants ». Pour cette dernière, apprentissage n’est plus un gros mot, « en tout cas c’est ce que j’observe dans l’aéronautique. Le fait de poursuivre ses études en étant rémunéré semble convenir aux nouvelles générations, davantage en quête d’indépendance ».

Au sein de cette PMI de 45 personnes spécialisée dans la conception et la commercialisation de matériel dédié à la maintenance au sol des appareils volants, on compte deux apprentis. L’un officie au sein du bureau d’études, l’autre à la production. « Cela représente donc 5 % de nos effectifs. Et une augmentation conséquente, puisque jusqu’ici, nous n’en prenions qu’un seul, voire pas du tout », ajoute Laurent Dossetto, responsable administratif et financier. Et pourtant, l’entreprise compte des expériences malheureuses, qui ne l’ont pas découragée, reprend la dirigeante. « Un de nos apprentis nous a dit au bout de trois ans qu’il voulait changer de domaine. De fait, on se demande si on a bien fait le job pour leur donner envie de continuer. » Parfois, il s’agit de cas où l’on ne peut rien. Tel ce jeune en bac pro chaudronnerie désirant poursuivre ses études impossibles à garder, la PMI n’ayant pas de bureau d’études spécifique à ce domaine. « Quand cela nous arrive, on se dit que l’on fait notre BA, on a transmis notre expérience, on entretient une dynamique de formation au sein de l’industrie française. Mais cela reste une déception ». D’autant que la main-d’œuvre qualifiée manque donc cruellement à l’appel. « Aujourd’hui, nous recrutons des gens qui ont un savoir-être et nous les formons au côté technique. De fait, l’alternance est pour nous une vraie solution. Pour éviter de futures déceptions, on s’appuie sur l’UIMM et le Pole Formation, ainsi que sur le CFA Industrie d’Istres pour valider nos choix. Ils ont une analyse, un process de sélection, un regard. Ils connaissent parfois les jeunes antérieurement », conclut la dirigeante.

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