En temps de crise, l’agilité à distance montre toute sa pertinence

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© Can Stock Photo / duiwoy55

La crise sanitaire impose aux entreprises de passer à l’agilité en mode « remote » en transposant un certain nombre de rituels. Au-delà de l’outillage, il s’agit d’instaurer de bonnes pratiques organisationnelles et de revoir le mode de management.

A première vue, les termes « agilité » et « distance » semblent antinomiques. L’un des principes premiers des méthodes associées à la culture agile consiste, en effet, à rapprocher physiquement sur un même plateau, des équipes pluridisciplinaires. Cette colocalisation favorise les interactions et conditionne la réussite du projet. Des rituels, comme le point de suivi quotidien (daily meeting) où il s’agit, notamment, de partager l’état d’avancement d’un projet (actions pour lever les points de blocages, etc…) en s’appuyant sur une obeya, ne pourraient, a priori, se pratiquer qu’en présentiel.

La crise de la Covid-19 a permis de démontrer, par l’exemple, qu’il était possible de transposer à distance un grand nombre de ces rituels sans renier les principes fondamentaux de l’agilité.

Mais pour y arriver, quelques équipements sont nécessaires, et cela tombe bien, les équipes ont l’embarras du choix. Les solutions dédiées à la collaboration à distance (Microsoft Teams, Google Meet, Slack) ou au management visuel (Trello, Jira, Miro) ne manquent pas. Il existe également des outils pour coder à deux (pair programming) ou à plusieurs (mob programming) en plus de ceux déjà existants pour faire la revue de code (GitHub, GitLab).

L’agilité à distance passe par l’outillage, mais surtout par la communication. En présentiel, il est « très facile » d’aller voir les personnes pour discuter d’un problème ou d’un choix. A distance, il faut arriver à maintenir ce lien et utiliser les outils appropriés à chaque usage : les médias synchrones pour les meetings et ateliers, les médias asynchrones pour l’échange de messages ou de documents. Par exemple, au sein de Talan Labs, sur la messagerie Slack, que nous utilisons, nous avons créé des canaux « Andon » (outil du lean management) pour répondre aux appels à l’aide des membres de l’équipe en fonction de la thématique (Agile, Tech, Design). Quand un message est émis sur ces canaux, les membres savent qu’une réponse urgente est attendue.

De même, quelques bonnes pratiques permettent de rendre des sessions en « visio » plus harmonieuses et productives. Les participants ouvrent, par exemple, leur caméra en début de réunion pour dire bonjour, éteignent leur micro s’ils n’interviennent pas, posent leurs questions sur le module de chat, etc.

Accorder davantage d’autonomie aux équipes

Le format même des échanges doit être adapté pour éviter le phénomène d’essoufflement inhérent au distanciel. La durée de la session est raccourcie et les participants reçoivent en amont les éléments clés de la réunion pour gagner du temps. A défaut de « voir » les signes de décrochage, l’animateur doit arriver à maintenir l’attention des participants en distribuant la parole.

En dehors de ces « visios », il faut s’assurer que tout le monde ait le même niveau d’information. Pour cela, il convient de travailler sur la persistance de l’information au sein de communautés de pratiques dont la transmission des connaissances passe traditionnellement par l’oral. La restitution des travaux des ateliers agiles ou les contenus de veille (articles, vidéos…) peuvent être notamment stockés dans des wikis.

Par ailleurs, il convient de recréer des espaces d’échanges informels, essentiels au partage d’idées et à la cohésion du collectif. Au sein de Talan Labs, nous avons virtualisé plusieurs pratiques pour cela :

–       Tous les jours des cafés virtuels, entre 13 h 30 et 14 h, où vient qui le souhaite

–       Les coding dojos du mardi midi

–       Nos conférences internes mensuelles autour de l’agilité, la tech et le design

–       L’Asakai, réunion du lundi matin réunissant tout Talan Labs, nous permet de partager les réussites du groupe, les prochains meetups, d’accueillir les nouveaux arrivants. Le recrutement a été, en effet, maintenu même s’il s’effectue à distance tout comme le parcours d’intégration (onboarding).

Enfin, l’agilité à distance modifie la posture du manager. Plus que jamais coach, le manager accordera davantage de confiance et d’autonomie à ses équipes. Ce lâcher-prise suppose, dès le départ, de bien poser les règles du jeu. « Voici l’objectif, à vous de choisir les voies pour l’atteindre ». Ensuite, les points d’étape permettent de mesurer l’état d’avancement, identifier les obstacles où le manager doit aider ou ajuster la trajectoire le cas échéant.

Le manager garde son téléphone ouvert et organise une fois par semaine un « one-to-one » avec l’ensemble de ses collaborateurs. L’occasion de voir comment il peut aider pour les faire grandir ou enlever les obstacles les empêchant d’atteindre leurs objectifs ou encore d’évoquer des sujets plus personnels. En fonction des situations des uns et des autres, le télétravail n’est pas vécu de la même façon. Ou comment la collaboration à distance permet – paradoxalement — à un manager de se rapprocher de ses équipes. La situation inédite imposée par la crise sanitaire peut être une formidable opportunité pour se réinventer. A distance, un manager qui aura revu ses classiques pourra se rapprocher d’autant plus de ses équipes.


Matthieu Riboulet, directeur des opérations chez Talan Labs

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