La France, un cas à part en matière de politique salariale ?

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LE POINT ECO – Depuis 2012, l’inflation au sein de l’OCDE varie entre 0 et 2 points, l’inflation sous-jacente ne dépassant pas de son côté 1 % sur l’ensemble de la période. Cette faiblesse de l’inflation s’explique notamment par une croissance des salaires inférieure à celle de la productivité par tête. Ainsi, de 1998 à 2019, la productivité par tête a progressé de 30 % au sein de l’OCDE quand les salaires n’ont augmenté que de 14 %. Par voie de conséquence, les profits après taxes, intérêts et avant dividendes sont passés de 13 à 16 % de la valeur ajoutée des entreprises.

Cette situation vaut pour la quasi-totalité des pays membres de l’OCDE, mais pas pour la France où les salaires réels augmentent plus vite que la productivité. Lors de ces vingt dernières années, les salaires ont progressé de 25 %, contre 19 % pour la productivité. Ce partage favorable aux salariés en France n’a pas pourtant conduit à une accélération de l’inflation qui évolue comme celle des autres pays de l’OCDE.

L’option délocalisation

La non-transmission de l’augmentation des salaires sur les prix est le fruit de plusieurs facteurs. En premier lieu, les entreprises ont bénéficié de la réduction du coût de l’endettement avec la baisse des taux d’intérêt, la charge de la dette étant ainsi passée de 2008 à 2019 de 4 à 1,5 % du PIB. Depuis 2013, elles ont également enregistré une baisse des prélèvements (pacte de solidarité, CICE, impôt sur les sociétés, etc.). Les impôts, taxes et cotisations payées par les entreprises ont diminué d’un point de PIB de 2012 à 2019.

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Philippe Crevel

Grâce à la baisse des impôts et à la diminution du poids de la dette, les profits après taxes, intérêts et dividendes ont, en France, augmenté de 0,5 point du PIB passant de 11,5 à 12 % du PIB de 1998 à 2019 et cela malgré l’augmentation des salaires. Cette augmentation est bien plus faible que celle enregistrée chez nos principaux partenaires Les entreprises françaises n’ont pas pu répercuter l’augmentation de leurs coûts sur leurs prix en raison de la concurrence internationale. Elles ont, surtout dans l’industrie, opté pour les délocalisations. L’industrie automobile en est le parfait exemple. Renault produit moins de 20 % de ses voitures en France en 2019, contre plus de 50 % en 1998.

Un problème de positionnement

Les entreprises françaises ne peuvent pas répercuter les majorations de coûts sur les prix du fait de leur positionnement « gamme moyenne ». La production française entre ainsi en compétition directe avec celle des pays émergents ou des pays d’Europe du Sud. Le coût salarial élevé et le mauvais positionnement de l’outil industriel expliquent la perte de compétitivité depuis une vingtaine d’années. La balance commerciale a enregistré un déficit de 2 % du PIB en 2019 contre un excédent de 1 % du PIB en 1998. Cette balance s’est particulièrement déséquilibrée avec les pays de la zone euro (détérioration à hauteur de 2 points de PIB en 20 ans).

Avec l’arrêt de la baisse des prélèvements sur les entreprises, celles-ci seront contraintes de puiser dans leurs marges, de multiplier les opérations de délocalisation et le cas échéant de réduire leurs effectifs. Ce scénario noir concerne essentiellement l’industrie. La situation actuelle de Renault en est la parfaite illustration.

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