Bien-être en entreprise : un effet de mode ?

Le bien-être est un mot valise qui renvoie à la notion de bonheur et d’harmonie. Dans l’entreprise, les gens ressentent un certain bien-être quand ils sont bien dans leur peau et qu’ils éprouvent du plaisir à vivre ensemble.

« Tous les hommes recherchent d’être heureux », écrivait Blaise Pascal. Autrement dit, l’homme n’a qu’un but : accéder au bonheur et, bien qu’il soit spécifique à chacun, il y a des principes communs et l’entreprise ne doit pas avoir de doute sur la manière dont elle doit aider ses salariés à l’approcher au plus près.

Je pense qu’aujourd’hui, on ne peut dissocier le bien-être de la motivation. La motivation dans l’entreprise est une obligation vitale. Or la motivation est un triptyque : le plaisir à faire, l’envie de réussir et le désir de progresser. L’énergie vitale de l’individu, sa forme physique et mentale, son rayonnement psychologique sont directement liés à la qualité du rapport avec son environnement physique et relationnel. La relation à l’autre constitue d’ailleurs la principale ressource énergétique. En fait, il y a deux types de liens : les relations positives, sources d’énergie, de plaisir, de confiance et, au bout du compte, de bien-être et de force, puis les relations négatives qui n’apportent que doute, interrogations, stress et, au final, mal-être et fragilité. Lorsqu’il y a plaisir, l’individu est rayonnant, toutes ses capacités sont activées. Lorsque la relation à l’entreprise est négative, l’individu est inhibé, entre en mal-être, ses capacités sont paralysées, son plaisir décroît et devient nul. L’échec est inscrit.

Libérer le bonheur

Pour une entreprise, la croissance c’est l’intelligence, la création de richesses. Pour faire du profit, il faut des clients heureux et pour ce faire il faut des collaborateurs heureux. C’est en période difficile ou de crise qu’il faut libérer le bonheur. D’où l’obligation pour l’entreprise de prendre en compte la manière dont elle doit assurer les conditions de travail, d’emploi, de rémunération, le dialogue social et les exigences sociétales les plus performantes possible, c’est-à-dire tous les paramètres qui participent au bien-être des individus au travail en étant attentif au fait que l’engagement professionnel impacte positivement la qualité de vie personnelle qui, en retour, influe sur la qualité du travail effectué.

Dans l’Ancien Monde, le bien-être, le bonheur en entreprise étaient des concepts qui n’apparaissaient pas dans la conscience collective comme moteurs de performance. Les avancées technologiques étaient complémentaires du travail humain. La promesse de la prospérité matérielle, du progrès et de la croissance économique créaient une société hiérarchisée, verticale, où chacun était à sa place, mais pouvait rêver d’avoir, quelques années plus tard, le même taux d’équipement matériel et le même train de vie que celui qui les commandait. Cette promesse économique garantissait un avenir plus confortable que celui des générations précédentes et permettait de s’élever au-dessus de sa condition originelle.

Avant, l’entreprise négligeait l’individu

En ce temps-là, le bien-être était absent du langage de l’entreprise. Les problèmes étaient toujours techniques, l’Homme n’étant qu’une difficulté supplémentaire. Bien souvent, s’agissant des salariés, les qualificatifs qui constituaient les éléments de langage étaient : sérieux, travailleur, honnête, loyal, courageux, volontaire, compétent, professionnel. Tout cela collait à la peau des bons éléments. A contrario, le manque de sérieux, la fainéantise, la fonctionnarisation, l’incompétence, l’amateurisme constituaient les attributs de celles et ceux dont on souhaitait le départ.

En résumé, il y avait trois grandes catégories d’individus : les bons, les moyens et les mauvais, chacun étant prédéterminé par son code génétique, c’est-à-dire la place assignée par ses aptitudes innées. Les mauvais resteront mauvais, les moyens n’ont aucune chance de devenir bons, même si l’on admet que l’éducation pourra les faire progresser, les bons seront toujours bons, les très bons toujours très bons jusqu’à ce qu’ils fassent l’année ou le parcours de trop. Un grand nombre d’entrepreneurs et d’intrapreneurs étaient éduqués avec l’idée qu’il fallait souffrir pour réussir. La vitesse avec laquelle on pouvait oublier les hommes et les femmes qui produisaient était inimaginable. À force de ne penser que résultats, on négligeait totalement celles et ceux qui les obtenaient.

Puis, quand la mondialisation se globalisait de plus en plus, donnant accès à une libre concurrence toujours plus effrayante, la prise de conscience de l’importance de la motivation des individus et des équipes est venue réveiller les dirigeants les plus récalcitrants.

Aujourd’hui, place au facteur humain

Depuis, nous avons changé de monde. Aujourd’hui, nous vivons un changement d’ère traversé par les ruptures profondes que sont l’avènement du numérique, la transition énergétique, les dérèglements climatiques, les sauts générationnels et la formidable accélération du temps. Nous sommes au cœur d’une tourmente qui ne s’arrêtera pas demain.

C’est une révolution industrielle inédite qui a donné naissance à des générations mondialisées, biberonnées à la sauce digitale, rendant obsolètes tous les modèles économiques, sociaux, sociétaux et environnementaux qui avaient jusqu’alors structuré notre monde moderne. On est passé d’un monde stable à un monde mobile, d’une société obéissante à une société avide de liberté, d’un univers prévisible à un univers hautement imprévisible. Le problème est qu’en situation imprévisible ou de crise les rendements motivationnels sont décroissants en intensité et en durée.

Avec l’arrivée du numérique, les nouvelles générations hyper connectées, dites « Millénials », n’ont pas la même relation à l’entreprise que leurs aînés. L’immédiateté de l’information, la multiplicité des réseaux de partage font que les individus ont du mal à se concentrer sur un temps long et ont tendance à rejeter la verticalité. Ils sont moins attachés à l’entreprise, sont friands d’espaces de progrès et de liberté et n’acceptent qu’une certaine hiérarchie de côte à côte que si celle-ci leur apporte le bien-être au présent et les fait progresser rapidement vers leur idéal professionnel et personnel.

Cela signifie que le facteur humain va cristalliser toutes les attentions, car le fossé des générations avec l’Ancien Monde est vertigineux. Il y a lieu d’inventer un nouveau mode relationnel. Ce n’est plus la culture de la soumission qui s’impose, mais celle de la collaboration, de l’ouverture, de l’interconnexion, de l’agilité.

Le management doit faire de l’entreprise un lieu de bien-être

L’entreprise pérenne sera celle qui fidélisera ses personnels en appliquant des solutions innovantes avec toujours plus de responsabilisation, de délégations et d’amplifications des temps motivationnels de ressourcement. Autrement dit, elle doit avoir l’obsession du plaisir et du bien-êtrede ses salariés. Le plaisir, c’est la relation positive, le bien-être, c’est la cohésion fraternelle et émotionnelle dans un système relationnel et organisationnel, ponctué de séquences ressourçantes qui associent la convivialité et le ludique (salle de repos, salle de sport, yoga…).

Le changement doit s’opérer dans quatre domaines : réussite de l’entreprise, avancée dans le domaine social et sociétal, fonctionnement d’équipe, élévation personnelle. Tout cela avec des objectifs clairs, des conditions de travail optimales et des systèmes qui fonctionnent au meilleur coût.

Il s’agit de revoir les organisations qui doivent désormais reposer sur une structuration en équipe et plus sur une structure de base de l’individu. Cela permet une meilleure flexibilité donc une meilleure adaptation aux évolutions de l’environnement.

Le management doit faire de l’entreprise un lieu de bien-être ; c’est le seul lieu où l’individu peut développer ses talents et trouver son achèvement. Dans les mois et les années à venir, l’entreprise devra installer les nouvelles générations sur une trajectoire qui encourage la bienveillance sans disqualifier l’exigence vertueuse, autorise la libération des énergies, ouvre des espaces de progrès et de liberté, crée l’harmonie quotidienne et apporte l’espérance d’une vie réussie. En résumé, le bien-être pour les individus et les groupes se mesure à travers quatre mots-clés : le plaisir de vivre, l’apprentissage, le sourire, la croissance des chiffres.


Jean-Noël Gaume

Crédit Photo : fauxels – Pexels

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