Le management chez Netflix (2) : instaurer la culture du feedback

Pour qu’une entreprise soit performante et innovante, celle-ci doit se doter de la plus « haute densité de talents ». C’est la thèse de Reed Hastings, le cofondateur de Netflix. Mais comment faire cohabiter les salariés hautement compétents et ne pas tomber dans une guerre des ego ? La solution du charismatique patron tient en un seul mot : confiance.

La confiance ? Le philosophe Jean-Paul Sartre disait qu’elle se gagnait en gouttes et se perdait en litres. Quoi de plus difficile à obtenir et à garder que la confiance ? Peut-on réellement baser tout son management sur une substance aussi évanescente ?

Petit détour par Patrick Lencioni, l’auteur du best-seller The five dysfunctions of a team, que ni Hastings ni Meyer n’évoquent, mais dont l’analyse est importante pour comprendre le rôle de la confiance au sein des équipes. Pour le consultant américain, la confiance est la base de toute performance d’équipe. Sans elle, les salariés sont réticents à dévoiler leur vulnérabilité. Première dysfonction qui en engendre une deuxième : la peur de la confrontation. Les conditions ne sont pas réunies pour que chaque membre puisse exprimer librement son avis, débattre ouvertement, échanger des idées, se stimuler réciproquement. Se produit alors fatalement une troisième dysfonction : l’absence d’engagement. On n’a plus envie de défendre ses positions, de donner son point de vue ou d’enrichir celui de son collègue. Il en découle une quatrième dysfonction, l’évitement de la responsabilisation. Quand on ne s’implique pas en amont, on cherche à fuir ses responsabilités en aval. Cinquième et dernière dysfonction qui s’enchaîne logiquement : l’inattention portée au résultat, le je-m’en-foutisme généralisé.

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Le modèle de la pyramide de Patrick Lencioni montre à quel point le sentiment de confiance structure et porte la performance des équipes et de l’entreprise. Sans elle, les problèmes tombent les uns après les autres comme dans un jeu de domino.

The art of feedback

Mais revenons à Netflix et à la manière dont la confiance a été instituée dans l’entreprise. Reed Hastings prône la culture du feedback. Le feedback doit être omniprésent, entre tous les salariés, les dirigeants et plus largement les parties prenantes de l’entreprise. En réunion par exemple, un temps doit être systématiquement dédié pour obtenir du feedback. « La rétroaction étant des outils les plus efficaces qui soient pour améliorer la performance. Nous apprenons plus vite, nous accomplissons davantage ; la critique fait partie intégrante de notre manière de travailler, qu’il s’agisse de les émettre ou de les recevoir. Les feedbacks permettent d’éviter les malentendus, créent un climat de coresponsabilité et réduisent le besoin de hiérarchie et de règles » (P31). Plus la confiance est forte et plus les règles deviennent inutiles.

Chez Netflix, tout le monde peut et doit critiquer tout le monde. Tout le monde peut et doit exprimer le fond de sa pensée. Ne pas donner son avis, ne pas dire ce que l’on pense, c’est une faute grave.

C’est s’en prendre à l’entreprise. C’est un manque de loyauté manifeste. Hastings évoque de nombreuses anecdotes pour appuyer son propos. Erin Meyer quant à elle fait appel à un sondage qui montre que les salariés préfèrent majoritairement recevoir un feedback correctif qu’un feedback positif. Plutôt que des félicitations, les salariés préfèrent qu’on leur communique leurs axes d’amélioration. Un salarié de base peut interpeller le patron lui-même, ce dernier n’a rien à redire, sinon remercier. C’est la règle ; personne ne lui échappe.

Comment bien donner et recevoir un feedback ?

Bien entendu, un feedback ne se donne pas n’importe comment. Il ne s’agit pas de « balancer » à son interlocuteur ses quatre vérités, au risque de le blesser. Il est essentiel de réaliser son feedback avec une intention positive. Car il ne s’agit nullement de dénigrer, mais de montrer à son interlocuteur comment mieux faire. Erin Meyer insiste sur la nécessité de bien différencier la franchise désintéressée de l’attitude toxique. Elle édicte pour cela la règle des 4 A pour émettre et recevoir une critique constructive.

Concernant ceux qui émettent les critiques :

  • Aider : il faut montrer comment cette critique peut être valorisée par la suite, comment celui qui la reçoit peut en faire quelque chose de positif. La finalité du feedback est d’aider.
  • Applicable : la critique doit permettre à la personne de changer son de vue ou son comportement. La critique doit donner des éléments concrets susceptibles d’amorcer un changement.

Concernant ceux qui reçoivent les critiques :

  • Apprécier : il faut savoir lever les défenses et accueillir la critique sous un angle positif.
  • Accepter (ou rejeter) : la critique n’est pas un ordre, mais un conseil. Je l’accueille, mais suis parfaitement libre de l’accepter comme de la rejeter.

Ainsi, la culture du feedback permet d’enrailler les dysfonctions décrites implacablement par Lencioni en jetant les fondations d’une culture de la confiance.

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