L’heure de la fin de la désindustrialisation a-t-elle sonné

La France a connu depuis cinquante ans un mouvement de désindustrialisation plus rapide que la moyenne de ses partenaires. Ce processus a conduit à un déficit commercial récurrent et à la disparition d’emplois qualifiés, avec des salaires élevés, au profit d’emplois à faible qualification et à rémunération réduite. Comment redresser la barre ?

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Crédit : Pixabay – Pexel

La diminution de l’activité industrielle s’accompagne d’une moindre appétence à l’innovation et à la prise de risques. La fermeture des usines a également engendré une désertification de nombreux territoires. En France, l’industrie était implantée en périphérie des grandes agglomérations et au sein de petites villes en régions. L’emploi manufacturier a connu en France une chute rapide passant de 40 % de la population active en 1973 à moins de 10 % en 2020. En Allemagne, il représentait l’année dernière plus de 16 % de la population active.

Un déficit impressionnant

La réindustrialisation est un thème à la mode depuis une vingtaine d’années. Malgré les intentions des pouvoirs publics, elle n’a pas pour le moment donné lieu à des résultats tangibles. La crise sanitaire a souligné la dépendance de la France et plus globalement de l’Europe vis-à-vis des pays émergents, en particulier de la Chine, en ce qui concerne de nombreux produits industriels. Les gouvernements européens et la Commission de Bruxelles entendent favoriser l’implantation d’usines en Europe pour certaines productions jugées stratégiques (médicament, électronique, matériels pour les énergies renouvelables).

Avec la multiplication des tensions commerciales avec la Chine, des relocalisations sont imaginées, que ce soit dans des secteurs à forte valeur ajoutée ou pour des industries plus classiques (électroménager par exemple). La France peut-elle interrompre le processus de désindustrialisation qui mine son économie depuis une cinquantaine d’années ?

Contrairement à quelques idées reçues, la désindustrialisation en France ne s’est pas effectuée au profit des pays émergents, mais au profit des pays européens.

Ces vingt dernières années, le déficit commercial s’est dégradé plus vite avec les partenaires de la zone euro qu’avec ceux de l’Asie du Sud Est. Il atteint 100 milliards d’euros pour la zone euro, contre 10 milliards d’euros pour les pays émergents hors Russie et pays producteurs de pétrole. En 1998, le solde commercial était positif de 10 milliards d’euros avec le reste de la zone euro et de 18 milliards d’euros avec les pays émergents. En quelques années, la France est devenue un importateur de voitures en provenance d’Allemagne, d’Espagne et des pays d’Europe de l’Est. Les exportations de Renault et de PSA ont, en parallèle, fortement décliné du fait des délocalisations et de la diminution des ventes notamment en Allemagne et en Italie.

Un problème de positionnement

La désindustrialisation de la France ne s’explique pas exclusivement par un problème de coûts de production qui sont de 11 % inférieurs à ceux constatés en Allemagne. Le positionnement de l’industrie française sur le bas et le moyen de gamme explique en grande partie ce recul. Il est assez frappant de constater que depuis 1998 que les exportations en direction des pays émergents sont restées assez dynamiques et qu’elles évoluent sensiblement au même rythme que les importations en provenance de ces pays. En revanche, la France a décroché en tant que partenaire des pays industrialisés. Elle n’a jamais retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008. La production industrielle était, en volume, 10 % inférieure à son niveau de 2007. Le mauvais positionnement de l’industrie française provient de la faiblesse de la recherche et développement, du niveau des compétences des salariés et du manque de fonds propres.

En reprenant les résultats de l’enquête PIAAC de l’OCDE, une corrélation est établie entre le niveau des compétences des actifs et le poids de l’industrie. Le Japon, la Finlande, l’Allemagne, la Suède ou la Corée du Sud se caractérisent par un score élevé au sein de l’enquête PIACC et par une valeur ajoutée du secteur manufacturier importante à la différence de la France, l’Italie ou l’Espagne. Depuis des années, la France constate une baisse du niveau des élèves en mathématiques. Selon une étude du Ministère de l’Education Nationale, en deux ans, le nombre d’heures dispensées par les professeurs de mathématiques a baissé de plus de 18 % en première et terminale générale et technologique. Le nombre d’élèves dans les écoles d’ingénieurs est faible en France et ne devrait pas augmenter.

L’investissement : le maillon faible

La France souffre également de la faiblesse des dépenses de recherche et d’investissement. Le retard en matière de vaccins à ARNm a été souligné avec la crise du covid-19. Les meilleurs chercheurs français ont tendance à s’expatrier en raison non seulement de la faiblesse des rémunérations proposées, mais aussi d’un environnement peu porteur en France. Les relations entre recherche fondamentale et recherche appliquée, malgré quelques progrès, restent difficiles. Que ce soit dans les technologies de l’information, les énergies renouvelables, la santé, les fusées réutilisables, les armes à très grande vitesse de propulsion, les drones, etc., la France est en retard, retard partagé par de nombreux États européens.

Un effort particulier devra être entrepris afin d’améliorer les compétences des actifs en augmentant l’attractivité des filières de formation de techniciens et d’ingénieurs.

La France doit, par ailleurs, poursuivre ses efforts pour attirer des capitaux et les inciter à s’orienter vers les entreprises. La réforme de la fiscalité de l’épargne y contribue. Pour réellement porter leurs fruits, les dispositions de cette réforme – le prélèvement forfaitaire unique, la suppression de l’ISF pour les produits financiers – doivent être maintenues sur longue période.

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