Face à la complexité, la méthode « à fou, fou et demi »

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© Can Stock Photo / gina_sanders

Dans le film Les 12 travaux d’Astérix notre héros bien connu doit affronter l’épreuve de la maison qui rend fou. En réalité une administration où il doit obtenir le formulaire A38, tâche en apparence simple mais qui va bientôt s’avérer d’une complexité inouïe et qui va promener Astérix et Obélix d’étage en étage, de guichet en guichet, avec une perspective toujours faiblissante d’obtenir leur fameux sésame.

Quelque caricatural soit cet épisode, il me rappelle quelques-unes de mes expériences, depuis les sept ou huit étages de la préfecture de Nanterre que je parcourus pour trouver un papier que je n’obtins jamais jusqu’au prêt bancaire que j’ai eu l’audace de demander à ma banque récemment, et je suis certain que tout lecteur aura semblables souvenirs à proposer.

Or, cette complexité pourrait bien aller s’aggravant. Dans Comment tout peut s’effondrer, les auteurs qui font état de la complexité du monde qui augmente la fragilité de nos sociétés, prennent pour exemple les réglementations des banques, de Bâle I à Bâle III, dont le nombre de pages a plus que décuplé. Il suffit néanmoins de compter les lois qui régissent la société française – quelques centaines de pages dans les années 70, plusieurs milliers aujourd’hui.

Toujours est-il que nous y sommes confrontés et que cela peut entraver nos projets, en ralentissant des opérations a priori simples, en retardant des échéances – notamment des paiements de factures par des grandes organisations, à commencer par l’État.

Une amie dirigeante me confiait récemment qu’elle s’était justement inspirée de l’épisode de la maison qui rend fou avec Astérix, pour venir à bout d’une telle situation. Dans le film, Astérix finit par, dit-il, « se battre avec leurs propres armes », en demandant un formulaire qui n’existe pas, au titre d’une circulaire tout aussi fictive. Semant ainsi la pagaille dans l’administration qui finit par lui fournir ce qu’il voulait au départ. Face aux réticences qu’elle rencontrait, mon amie en a rajouté. On lui faisait des objections, elle en trouvait d’autres ; on lui demandait des précisions, elle a ouvert d’autres champs de questionnement. De guerre lasse, ses interlocuteurs ont abdiqué et lui accordé ce qu’elle n’espérait plus.

À la réflexion, cet épisode me rappelle une pratique de mon métier qu’on appelle l’amplification ou, sous une autre forme, la prescription du symptôme. Si un client se montre particulièrement pointilleux – qu’il le sait et qu’il en souffre – je vais pouvoir l’inviter à se montrer plus pointilleux encore. Une telle démarche vise à provoquer une prise de conscience sur les moteurs du comportement.

De même, dans une situation complexe, amplifier la complexité pourrait bien contribuer à mettre au jour l’absurdité bien souvent inhérente à un excès de processus.

Ainsi, à tous ceux qui se plaignent d’avoir à affronter une telle complexité, s’ouvre une possibilité d’agir et, peut-être, de résister en se faisant plus royaliste que le roi, plus complexe que la complexité, plus fou que la folie. Ce qui pourrait donner raison au sociologue François Dupuy qui affirme dans Lost in management que, dès lors que plusieurs normes sont en vigueur dans un environnement, cela redonne de la liberté d’action aux individus, puisqu’il leur est possible de jouer sur l’incohérence des normes concurrentes.

Laurent Quivogne – http://www.lqc.fr/

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