Le dopage économique : hier, maintenant et demain

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© Can Stock Photo / dariolopresti

Avant même la crise de la Covid-19, les gouvernements au sein de l’OCDE avaient recours à des politiques monétaires et budgétaires expansionnistes. La crise sanitaire a provoqué une accélération plus qu’une rupture. L’économie est sous perfusion ou sous respiration artificielle depuis plus d’une décennie, les politiques dites non conventionnelles sont devenues la norme. Nous sommes entrés dans un cercle vicieux dont nul ne sait pour le moment comment sortir.

En 2019, face à un simple ralentissement économique, la banque centrale américaine comme celle de la zone euro ont répondu en lâchant du lest monétaire. Le niveau sans précédent de l’endettement, en période de paix, impose une politique monétaire accommodante.

Le solde budgétaire des pays de l’OCDE, après avoir atteint -8 % en 2009, n’a jamais été inférieur à -2 % du PIB depuis dix ans. Avec la crise sanitaire, il devrait se situer autour de -14 % du PIB. La dette publique est ainsi passée de 75 à 140 % du PIB de 2007 à 2020 après avoir atteint 120 % du PIB en 2010. Les politiques monétaires sont restées accommodantes depuis plus de dix ans. Le taux d’intérêt des obligations d’État à 10 ans est constamment inférieur à celui de la croissance. L’écart a pu dépasser plus de deux points. La base monétaire des banques centrales de l’OCDE est passée de 2 400 à plus de 25 000 milliards de dollars ces vingt dernières années. Les injections de liquidités sont devenues récurrentes. Cette base monétaire qui s’élevait à 8 000 milliards de dollars en 2010 s’est accrue de plus de 12 500 milliards de dollars en raison de la crise de la Covid-19.

Hausse de l’immobilier

Cette politique a également comme effets pervers une hausse forte de l’endettement du secteur privé et des prix de certains actifs. La dette des ménages et des entreprises au sein de l’OCDE est ainsi passée de 128 à 145 % du PIB de 1998 à 2010. Les indices boursiers de l’OCDE ont connu de janvier 2010 à mars 2020 une hausse de 160 %. Malgré la crise sanitaire, ils sont encore plus de 125 points au-dessus de leur niveau de 2010. Sur vingt ans, toujours au sein de l’OCDE, le prix de maisons a été multiplié par 2,4 quand celui de l’immobilier commercial l’a été par 2.

Le cercle vicieux de la politique économique des années 2010 à 2020 est le suivant : les déficits croissants provoquent une hausse de l’endettement public qui exige le maintien de faibles taux d’intérêt et des injections de liquidités prenant la forme de rachats d’obligations. Cette politique monétaire génère des bulles financières porteuses de crises et facilite l’endettement des agents économiques et, en premier lieu, celui des États. Les faibles taux d’intérêt pèsent négativement sur la croissance potentielle nécessitant, en compensation, le développement des prestations sociales. Ce dernier conduit à une augmentation du déficit public rendant encore plus nécessaire le maintien des taux bas, et ainsi de suite. Toute sortie du cadre paraît donc impossible. En effet, une augmentation des taux entraînerait une crise des dettes publiques quand un rééquilibrage des finances publiques serait récessif.

Eviter la prochaine crise

La succession de récessions provoque, au sein des populations, un rejet à l’encontre de toute austérité budgétaire. Les crises depuis le début de l’an 2000 ont érodé la croissance potentielle avec une perte de capital productif et humain. La croissance potentielle est passée de 2,4 à 1 % en une dizaine d’années. Le taux de croissance de la productivité n’était en 2019 que de 1,5 % quand il dépassait 2,5 % avant 2007. Les politiques monétaires et budgétaires expansionnistes sont devenues des béquilles de la croissance sans pour autant avoir permis jusqu’à maintenant l’enclenchement d’un cercle vertueux de la croissance. Elles auraient plutôt comme conséquence d’accélérer la baisse de la croissance potentielle en maintenant en vie un nombre croissant d’entreprises peu rentables (entreprises zombies). Au sein de l’OCDE, leur proportion au sein des entreprises serait passée de 4 à 12 % de 2000 à 2020.

L’objectif de la sortie de crise de la Covid-19 sera d’éviter qu’elle engendre la suivante. Tout le défi sera de relever le taux de croissance potentielle en dégageant des gains de productivité tout en sachant que les taux d’intérêt devront rester bas et que la population des pays de l’OCDE est vieillissante.

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