Mieux vaut fait que parfait (« Better done than perfect »)

J’apprends cette maxime à propos de publications sur Internet. Me questionnant quelle pourrait être la meilleure façon de faire des vidéos, j’entends le conseil qu’il faut d’abord commencer.

Écrivant ces lignes, il me vient que cette maxime pourrait être un commandement anti-procrastination. Moi qui suis un défenseur de cette dernière et, en même temps, qui apprécie la maxime, me voilà embarrassé.

Combattre notre désir de perfection

Au fond, « Mieux vaut fait que parfait » vient nous aider à affronter notre désir de perfection (ou, si l’on préfère, notre angoisse d’imperfection). Celui-ci est à l’œuvre chaque fois que nous hésitons sur un chemin qui, pourtant, nous fait envie. Hier encore, dans une association que j’ai visitée, les membres se questionnaient sur leur futur président : qui ira ? Les candidats manquent à l’appel. On pourrait prendre cette situation comme du désengagement mais ce serait aller vite en besogne. En réalité plusieurs seraient volontiers candidats mais craignent de ne pas être d’assez bons présidents.

Peut-être la responsabilité est-elle collective. Peut-être qu’en effet, les membres de ladite association pourraient se révéler d’intransigeants juges si le téméraire qui, finalement, aurait accepté la charge, se révélait être un président imparfait. D’où il vient qu’il faut s’assurer, non pas d’être parfait, mais que notre environnement va tolérer notre imperfection.

C’est une toute autre perspective puisque, dans ce cas, nous ne sommes plus seuls et la situation ne dépend plus exclusivement de nous. Cela devient une discussion ou une négociation entre le groupe auquel nous nous adressons, et nous-mêmes.

Au CJD, j’ai eu la chance d’être sollicité voici quelques années pour animer un groupe d’improvisation. J’ai refusé plusieurs fois l’invitation car je ne me sentais pas la compétence pour le faire. La section a insisté (lourdement) et j’ai fini par accepter. Il était clair pour tout le monde que je n’étais pas un professionnel de l’enseignement de l’improvisation théâtrale. Ce fut une merveilleuse année et l’une des expériences les plus enrichissantes que j’ai eu à vivre dans ce mouvement.

Apprendre à tolérer les grincheux

Nous pouvons aussi apprendre à tolérer les grincheux. Car le sentiment d’imperfection peut naître du mécontentement de fort peu de gens et nous nous laissons parfois envahir par le sentiment exprimé par cette minorité.

Cette sorte de situation ressemble pour moi aux allergies, quand une exposition « normale » à une substance habituellement sans danger pour la santé, provoque une réaction inopportune. De même nous pouvons développer une hypersensibilité à la critique, ou à certaines formes de critiques, même si peu de voix les portent, même si nous les supputons plutôt que nous les entendons.

Sur le plan du comportement, cela correspond souvent à des situations rencontrées dans le passé que nous avons imprimées un peu trop fortement. L’impact de ces situations – par exemple un parent très critique – nous a configuré de telle sorte que nous croyons parfois les revivre en permanence. Dans ces situations, nous ne voyons plus la différence entre aujourd’hui et hier et nous retraversons sans fin les mêmes affres.

La procrastination, un signal plutôt qu’un défaut

En tant que professionnel de la procrastination – tout en étant par ailleurs dans d’autres domaines, un « faiseur » – j’ai appris à ne plus m’en vouloir de jouer les prolongations. Sans doute, me dis-je, quelque chose n’est-il pas au clair, sans doute ai-je des doutes, soit sur l’utilité de la tâche, soit sur ma compétence, soit sur l’environnement. Plutôt que de me flageller, il me semble que la procrastination ouvre le questionnement sur ce qui « cloche » dans ce que je me suis promis de réaliser.

Alors, oui, plutôt fait que parfait, mais si je procrastine, c’est que j’ai mes raisons. Des raisons du cœur, très probablement, plutôt que des raisons de la raison ; le bon sens, qui veut qu’il suffise de vouloir pour pouvoir, échouant souvent à expliquer ce qui se passe dans le secret de nos âmes.

Laurent Quivogne – http://www.lqc.fr/

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