Chroniques estoniennes (4) : « l’e-residency, arme de soft power massive »

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Arnaud Castaignet

Si ce pays de l’Est a beaucoup fait parler de lui récemment, c’est grâce à une innovation publique absolument unique en son genre. Alors que nombre de gouvernements cherchent à fermer leurs frontières physiques, l’Estonie a mis en place en 2014 « l’e-résidence ». Ce statut, proposé à des individus qui ne sont ni résidents ni citoyens estoniens, offre la possibilité d’accéder à l’ensemble de l’infrastructure des services publics numériques du pays.

Après un effet de mode qui a vu de nombreuses personnes demander leur statut de e-résident, celui-ci est maintenant adopté majoritairement par des serial entrepreneurs et des Digital Nomad, souvent créateurs de contenus, freelances, développeurs. Ce succès repose sur deux points : l’e-résidence permet de créer une entreprise en moins d’une journée et donne accès au marché européen, ce qui attire notamment les entrepreneurs russes, ukrainiens et turcs. L’e-résidence permet aussi de postuler pour avoir un compte bancaire et de signer et crypter des documents. Tout cela est possible en ligne de n’importe quel pays dans le monde. Avec ce statut original, l’État estonien cherche, et réussit, à démocratiser l’accès à l’entrepreneuriat.

Pour développer son programme, l’Estonie s’est ainsi appuyée sur une entreprise privée qui peut maintenant récupérer les empreintes digitales et distribuer les cartes numériques, actes nécessaires pour accéder à la e-résidence.

Si pour Arnaud Castaignet, chargé de relations publiques du programme E-résidence, l’atout du pays balte est avant tout l’absence de lourdeur administrative, mais sa difficulté majeure reste son faible réseau diplomatique. Cet ancien chargé de communication numérique de François Hollande met en avant la facilité de contact entre les différents niveaux administratifs et une hiérarchie plus souple, qui permet le développement et la réussite des programmes du gouvernement estonien. Pour développer son programme, l’Estonie s’est ainsi appuyée sur une entreprise privée qui peut maintenant récupérer les empreintes digitales et distribuer les cartes numériques, actes nécessaires pour accéder à la e-résidence.

Souplesse administrative, faible réseau diplomatique

L’État estonien ne dispose que de 34 ambassades, dont 27 dans les pays de l’UE. Le pays n’a, par exemple, aucune ambassade en Amérique latine et une seule sur tout le continent africain. Cette année, la première agence a été lancée en Corée du Sud. Les prochaines agences devraient ouvrir avant la fin de l’année en Californie, à Bangkok, à Johannesburg et à São Paulo. L’agence de Corée du Sud n’a pas eu de succès immédiat. En effet, peu de demandes ont été effectuées malgré un investissement fort : le rayonnement de l’Estonie n’a pas encore complètement dépassé l’Europe. Beaucoup des e-résidents découvrent le pays puis sa capacité d’innovation, sa culture, son histoire, en devenant e-résident.

Soft power estonien

Le programme E-résidence est un véritable enjeu du soft power estonien. En se développant, il assure une certaine sécurité pour ce pays toujours sous la pression de son voisin russe. En France, la culture et les valeurs sont des marqueurs importants, en Estonie, c’est à l’évidence le numérique qui propulse le pays sur le devant de la scène internationale.


Virginie Hoarau

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