COVID-19 au Québec et en France : questions de confiance

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© Can Stock Photo / alphaspirit

La pandémie ne favorise pas la confiance. En mai dernier,  l‘Institut de la confiance dans les organisations (ICO), créé à Montréal par l’avocat Donald Riendeau, publiait son premier Indice de la confiance sociétale trimestriel pour le Québec. Entre les 22 et 27 mai 2020, mille adultes avaient été interrogés en ligne par BIP Recherche. La deuxième enquête, menée du 25 août au 2 septembre, révèle un recul général du climat de confiance. 43 % des Québécois disent que ce climat s’est détérioré, 22% qu’il s’est amélioré, 32% ne voient pas de changement.

Cela se traduit par une baisse de confiance envers les responsables des municipalités (-6%), les gouvernements provinciaux (- 12%) et celui fédéral (-8%). Il est vrai que la confiance dans le gouvernement fédéral a aussi pâti du scandale We Charity, organisme théoriquement caritatif choisi sans appel d’offres par le gouvernement pour gérer plus de 900 millions $ de bourses. L’intégrité du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, compromis dans l’affaire, est jugée « faible » par 53% des Québécois qui sont 44% à porter le même jugement sur les fonctionnaires fédéraux. L’indicateur de confiance, créé pour 94 métiers par l’ICO, place maires, prêtres, députés et vendeurs de voitures d’occasion au bas de l’échelle, alors que pilotes de ligne, ambulanciers, pompiers et infirmiers se trouvent au sommet. Regardez où se place votre métier…

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A titre de comparaison, en France, selon Kantar (ex Sofres), fin août, 35% des Français avaient confiance en Emmanuel Macron progressant de deux points depuis juillet, contre 61% de non confiants (-3%). Un Français sur trois donnait sa confiance au nouveau premier ministre, Jean Castex contre 46% de « pas confiants ». Début septembre 2020, le cabinet Elabe confirmait cette proportion de 35% de Français accordant leur confiance à Emmanuel Macron « pour affronter efficacement les problèmes qui se posent au pays » mais notait un recul de 4 points en un mois.

Confiance conjugale renforcée !

L’étude de Kantar montre que les Français, de plus en plus pessimistes déjà depuis juin 2017, étaient  en septembre 73%  à estimer que les choses « vont de plus en plus mal », 6% de plus qu’en juin. Alors que 53% seulement des Québécois pensaient que la situation économique de leur pays se détériorait, contre 61% en juin dernier. Cette évolution, relativement positive au Québec, est à relier aux faits que le niveau de vie s’y serait légèrement amélioré en trois mois et que la crainte de perdre son emploi demeure  faible (8%).

La confiance québécoise à l’égard de la plupart des institutions a reculé (tableau 2). Les forces armées et la police perdent 6 et 9 points, tout en demeurant dans le peloton de tête avec l’Education qui résiste mieux. La confiance dans les proches reste forte, celle envers son conjoint passant même de 58% de « élevé » et « très élevé » à 65%. Est-ce un effet positif du confinement ? En est-il de même en France ? En revanche, la confiance envers les autres se dégrade et l’Observatoire note que « la crise de la COVID19 est en train de changer les habitudes et la vie des Québécois. Selon eux, la crise a eu des impacts majeurs sur plusieurs plans: solidarité 64,0 (-8), entre-aide 66,0 (-8), respect des lois 56,0 (-8), environnement 58,0 (-8) et politique 54,0 (-10) ». Si ce recul de l’entraide se confirmait et s’étendait au champ professionnel, il pourrait avoir des conséquences sanitaires, sociales, économiques graves. Cela va à l’encontre du nécessaire réussir ensemble.

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Une bruyante minorité de méfiants

Les réponses des personnes interrogées indiquent qu’elles-mêmes sont un peu moins disciplinées et respectueuses des lois qu’en juin. On sent « davantage d’anxiété, d’inquiétude, d’essoufflement. » La population reste largement d’accord avec les mesures prises par les autorités face à la pandémie. Cependant, cet accord recule de quelques points et, en septembre dernier, 14% étaient opposés aux distanciations, 17% au port du masque dans les espaces publics, 25% à l’interdiction des rassemblements.

La tendance va-t-elle se poursuivre ? « Une minorité bruyante fait partie d’un mouvement de défiance, laquelle remet en question la science et les règles » constate l’Observatoire. Cela est à rapprocher de la progression des thèses complotistes sur l’épidémie, hostiles aux mesures prises par la majorité des gouvernements. Ces thèses sont colportées notamment par les populistes et des mouvements d’extrême droite qui les exploitent pour dresser la population contre les dirigeants réputés corrompus et malveillants.

Une équipe de l’Université de Sherbrooke au Québec, effectue une étude sur la circulation de ces croyances au Canada et dans six autres pays, Angleterre, Belgique, États-Unis, Philippines, Suisse et Nouvelle-Zélande. Dommage que la France n’ait pas été prise en compte. L’étude menée début juin a demandé à 8800 personnes de réagir à cinq affirmations fréquemment véhiculées. « Le gouvernement cacherait des informations concernant le coronavirus. Le virus aurait été créé intentionnellement en laboratoire. Le virus aurait, en réalité, été créé par accident en laboratoire. L’industrie pharmaceutique est impliquée dans la propagation du virus. Le virus est, en fait, lié à la technologie 5 G ». Il apparaît que ces thèses complotistes soient deux fois moins bien accueillies en Belgique et au Canada qu’aux Etats-Unis et en Angleterre où plus du tiers de la population accepte ces assertions (tableau 3). Ce n’est pas une coïncidence si le pourcentage d’accord avec ces thèses au Canada, 17,7%, est si proche de celui des Québécois refusant le masque.

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Complotistes : écoutés par un Français sur quatre

La France serait dans une situation intermédiaire entre Belgique, Canada d’une part, Etats-Unis d’autre part. Fin mars, l’IFOP, à la demande de la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch, a mené une enquête. Celle-ci montre que « si une nette majorité de Français (57 %) souscrit à l’énoncé selon lequel le SARS-Cov-2 (l’agent pathogène du Covid-19) est apparu de manière naturelle, ils sont toutefois plus d’un sur quatre (26 %) à estimer qu’il a, au contraire, été conçu en laboratoire (17 % de manière intentionnelle, 9 % de manière accidentelle) ». En d’autres termes, les Français ne seraient pas tellement moins contaminés par les « complotistes » que les Américains sur l’origine du nouveau coronavirus. Outre-Rhin, le complotisme sévit encore plus. Selon une étude de la Fondation Konrad Adenauer, 30 % de la population allemande pensait au début de l’année, que les théories du complot étaient « probablement ou certainement correctes ». Pour 11 %, «  le monde est guidé et contrôlé par des forces secrètes ». La Fondation Jean Jaurès souligne que ces croyances sont particulièrement répandues parmi les non-votants et adoptées par plus de la moitié des partisans de l’AfD (Alternative für Deutschland, le parti d’extrême droite allemande).

Il reste à voir où nous en sommes aujourd’hui. Cette question a une importance considérable à la fois sur le plan politique et pour nos capacités à enrayer l’offensive du Covid-19. Non seulement les complotistes induisent des comportements qui augmentent les contaminations dans toutes les tranches d’âge, et donc les décès, mais ils vont tenter d’empêcher les vaccinations lorsque des vaccins fiables seront, enfin, au point.

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