Lutte contre la pollution : Chine et Etats-Unis peuvent-ils s’entendre ?

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© Can Stock Photo / zerbor

La Chine, l’économie la plus polluante de la planète doit respecter ses engagements pour la sauvegarde du climat, mais aussi dans la lutte pour le leadership mondial. Ce qui également le cas des États-Unis, et de nombre de pays européens. Le meilleur moyen de l’y contraindre, c’est la taxe carbone.

On entend souvent dire que la Chine est le premier émetteur de gaz à effets de serre du monde, écrit Shang-Jin Wei. C’est exact. Elle est immédiatement suivie par les États-Unis. Mais il faut comparer ce qui est comparable. À savoir les émissions et surtout la consommation de carbone par habitant. 

Une partie de la pollution atmosphérique chinoise provient des délocalisations occidentales dans ce pays

Comme la Chine compte 1 400 000 000 habitants, et les États-Unis de 332 000 000, cela signifie que chaque Américain pollue, en réalité deux fois plus que chaque Chinois. Et chaque Allemand consomme 80 % de plus de carbone que chaque Chinois. Car l’Allemagne, depuis l’abandon du nucléaire, est redevenue un État responsable d’une forte pollution…

Mais si l’on ajoute, poursuit Shang-Jin Wei, que les gaz à effet de serre qui sont très probablement à l’origine du réchauffement constaté depuis plusieurs décennies ne se dissipent que lentement dans l’atmosphère, c’est tous ceux qui ont été accumulés depuis les débuts de la révolution industrielle, au XIXe siècle, qu’il faut prendre en compte. Et là, les responsables sont largement européens.

Enfin, si l’on prend en compte le critère de la consommation de dioxyde de carbone, plutôt que sa production, faisant ainsi entrer en ligne de compte les importations de marchandises ayant nécessité de telles émissions, on s’aperçoit que les Occidentaux sont encore plus coupables. Ils ont simplement délocalisé leurs industries polluantes, sans renoncer à leur mode de vie. 

On ne peut plus se contenter de promesses

Or, poursuit cet ancien économiste en chef à la Banque asiatique de développement, les performances de chaque pays en matière de réduction de la pollution pèsent désormais dans la compétition pour le leadership mondial. Les pays vertueux obtiennent une meilleure réputation dans l’opinion publique mondialisée. Et c’est bien pourquoi leurs chefs de gouvernement font assaut de promesses – mais pour un avenir relativement lointain. 

On ne peut plus se contenter de ces promesses. La meilleure manière de contraindre les Etats à respecter leurs engagements, c’est la mise en œuvre d’une taxe carbone sérieuse. Elle aurait pour effet de rendre les exportations chinoises plus coûteuses et donc moins compétitives. La meilleure manière de contraindre la Chine à respecter sa promesse d’atteindre la neutralité carbone en 2060. 

Le départ de Donald Trump, climatosceptique avéré, et son remplacement par Joe Biden, qui s’est engagé à rejoindre l’Accord de Paris, constituent une chance, pour les Américains et les Chinois de coopérer sur les causes du changement climatique. 

Ne pas accepter que les dirigeants chinois conditionnent leur comportement à l’amélioration des relations sino-américaines

C’est ce qu’écrit Minxin Pei, professeur de sciences politiques aux États-Unis. Mais Biden s’est aussi engagé à constituer une large alliance de pays démocratiques pour contrer l’expansionnisme chinois. Or, Xi Jinping a bien l’intention de conditionner son empressement à s’entendre avec les États-Unis sur les problèmes d’environnement à l’amélioration des relations sino-américaines. C’est un chantage qu’il faut refuser selon Minxin Pei. 

L’humanité fait face à un avenir réellement calamiteux si les deux plus importantes économies du monde – qui sont aussi les plus émetteurs de CO² — ne s’engagent pas à coopérer pour s’atteler à la question du changement climatique.

Minxin Pei

Aux États-Unis prévaut l’idée que réduire ses émissions de gaz à effet de serre est dans le propre intérêt de la Chine ; que la population du pays finira par exiger que ses dirigeants optent enfin pour une moindre consommation de charbon, cette source d’énergie redoutablement polluante. Or, 52 % du charbon brûlé à travers la planète l’est en encore Chine. Un désastre écologique ! Le niveau de la pollution dans les grandes villes chinoises est une cause de mécontentement qui mine l’autorité du Parti communiste au pouvoir dans le pays. 

Mais dans l’idée des dirigeants chinois, c’est surtout l’Occident qui est demandeur en matière d’action pour la préservation du climat. Et c’est pourquoi ils estiment pouvoir exiger des contreparties élevées pour tout engagement dans ce domaine. 

Au Sommet ambition climat, cette année, Xi Jinping a réitéré l’engagement de son pays d’atteindre le pic de ses émissions de CO² en 2030, puis de les faire progressivement baisser, afin de parvenir à la neutralité carbone avant 2060. Dans quarante ans… « De telles déclarations sont destinées à améliorer l’image internationale de la Chine », selon Minxin Pei. En arrière-plan, le régime chinois entend bien obtenir des concessions politiques en échange de ses engagements. 

En particulier, une réduction des droits de douane imposés par l’administration Trump sur un certain nombre d’importations en provenance de Chine. La Chine va aussi demander aux États-Unis des transferts de technologies utiles à la production d’énergies non polluantes. Ce qui est acceptable. Mais cela pourrait aller jusqu’à demander aux Occidentaux de mettre en sourdine leurs mises en cause pour les violations des droits de l’homme des musulmans ouïghours. Ce qui ne l’est pas.

Il y a là un piège pour Biden. Car si les deux plus grands pollueurs de la planète ne parviennent pas à un accord, la diplomatie chinoise saura fort bien en faire porter la responsabilité sur les Américains. 


Crédits : France Culture

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