Elodie Loisel : « servir la santé humaine et le bien-vivre »

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« Adopte un Joe ! »

La codirigeante de Ludocare, une start-up basée à Lyon qui a imaginé les robots Joe et Léo pour aider les enfants asthmatiques ou atteints par la mucoviscidose à prendre correctement leurs médicaments, a créé son entreprise, car elle était convaincue de détenir une idée qui faisait sens. Elodie Loisel est ingénieure et docteure dans le domaine des sciences du vivant. Et chef d’entreprise depuis 2016. Une étape qui lui a permis d’aller encore plus loin pour amener la science au plus près des patients.

« La vie est complexe et n’est pas vraiment une science exacte. Le vivant est pluriel », lance dans un large sourire Elodie Loisel. La jeune femme est ingénieure INP Grenoble et diplômée d’un master en biologie et instrumentation pour les sciences de la vie. Sa carrière semblait toute tracée. Sa pluridisciplinarité interpelle Biomérieux qui lui confie la coordination « des » R&D déployées au sein du groupe pharmaceutique lyonnais. Elle y développe sa volonté « de servir la santé humaine ». La scientifique est ouverte sur son environnement et pratique, dans le cadre de ses fonctions chez Biomérieux, l’open innovation. « Même un groupe aussi important ne peut innover seul », dit-elle. Son tempérament d’écoute l’amène, alors qu’elle participe pour le groupe pharmaceutique à un Start-up week-end à Lyon, à s’attarder sur une problématique soulevée par un pharmacien-biologiste. « Thierry Basset évoque un sujet qui me concerne personnellement : comment inciter les enfants à prendre leurs médicaments ? Mon neveu Clément est asthmatique et toute la famille est sensibilisée à sa pathologie et à ses conséquences », affirme Elodie Loisel.

En 2016, elle vient de rencontrer son futur associé. Biomérieux la laisse partir pour lancer son aventure entrepreneuriale : créer un robot pour aider les enfants à bien prendre leurs médicaments. Ludocare est née à Lyon.

La santé connectée

La toute première version de Joe, en 2017, était… en carton ! Le prototype s’accompagne d’une campagne « Adopte un Joe ! » pour sélectionner des enfants bêta-testeurs. Les études menées en amont de la création de Joe par Ludocare montrent que près de 80 % des médicaments sont mal appris. « Ce qui entraîne des conséquences directes et indirectes importantes pour les patients eux-mêmes, leur entourage, le système de santé et par là même la société tout entière », affirme Elodie Loisel.

Le robot Joe, avec sa bouille toute ronde et ses blagues, a obtenu son marquage CE Dispositif médical en 2019. Programmé par les parents, l’outil est bourré de technologies pour stocker et délivrer les bonnes informations en adéquation avec les pathologies des petits patients âgés de 3 à 18 ans. L’assistant fait partie des objets connectés qui alimentent un secteur en pointe : la santé connectée. Il a été développé en collaboration avec le Liris (Laboratoire d’informatique en image et systèmes d’information) implanté à Lyon. Fabriqué tout d’abord en interne, il s’appuie aujourd’hui sur un réseau d’industriels en Auvergne-Rhône-Alpes. Début 2021, plus de 20 000 médicaments français et soins spécifiques sont disponibles dans l’application des robots développés par Ludocare.

Car Joe, destiné aux enfants souffrant d’asthme, n’est pas le seul compagnon. Son petit frère, Léo, a été imaginé pour les enfants atteints par la mucoviscidose et des maladies rares. « Entre l’asthme et les maladies rares, les communautés sont totalement différentes, car, malheureusement, les espoirs sont différents pour les patients atteints par l’une ou l’autre pathologie », explique Elodie Loisel.

Aujourd’hui sur le marché, les robots-assistants ne demandent qu’à s’exprimer et à blaguer ! « Nous sommes sur un temps de développement très long, aujourd’hui en partie achevé. Il nous faut désormais nous faire connaître auprès du grand public, puisque nous évoluons bien sur un marché en BtoC. » 2021 devrait marquer le déploiement des ventes grâce à des partenariats actifs avec des établissements de santé et des entreprises. Un dossier de partenariat a été déposé auprès de l’AP-HP fin novembre 2020 ; une collaboration est en cours avec DTF Médical à Saint-Etienne, un fabricant de dispositifs médicaux innovants ; une autre avec Peak Flow, un fabricant de débitmètres pour prendre des mesures respiratoires ; ou encore avec Pari PulmoMed, qui fabrique des aérosols et des nébuliseurs. « Nous sommes dans notre 4e année. La plus difficile. On rame beaucoup. Mais ces partenariats confirment le sérieux de notre outil et nous permettent de progresser en termes de notoriété », concède Elodie Loisel.

Les études cliniques se poursuivent aussi, car les retours des médecins confirment là encore l’intérêt des dispositifs Ludocare. « En pédiatrie, l’observance est le problème n° 1, insiste la scientifique. Une assiduité à l’heure près dans les traitements est essentielle pour les patients atteints par ces pathologies. »

Beaucoup d’arguments

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Elodie Loisel et Joe

Pour l’accompagner dans le développement commercial de ses robots, Ludocare prépare une deuxième levée de fonds. 355 000 € avaient été levés en 2019 et l’entreprise avait été lauréate d’I-Lab, un concours d’innovation national porté par Bpifrance dans le cadre du PIA (Programme d’investissement d’avenir), en 2019, doté de 245 000 € de subventions. « Pour ce deuxième tour de table, nous cherchons à lever 4 M€, auprès d’investisseurs qui croient en nous et en notre dispositif. Les études cliniques que nous avons menées prouvent qu’il existe un marché. Nos partenaires auront aussi pour mission de nous accompagner jusqu’au remboursement par la Sécurité sociale », selon Elodie Loisel.

La quête des fonds se fait à l’échelle européenne. « Nous savons que la France dispose d’un panel de dispositifs financiers pour le démarrage des start-ups important ou pour les grosses entreprises qui ont prouvé leur marché et qui peuvent entrer en Bourse ou fusionner. Par contre, nous sommes conscients qu’au milieu, pour des entreprises comme la nôtre, une petite structure qui a besoin de fonds pour accélérer, c’est plus difficile. Alors on s’accroche », affirme la persévérante qui pronostique une réalisation effective de cette levée de fonds courant 2021 au regard « des pistes sérieuses en cours ». Des fonds d’investissement spécialisés dans le domaine de la santé, mais aussi adossés à des mutuelles, par exemple, ouvertes aux outils favorisant la prévention, ou des fonds sensibles à l’impact sociétal des produits et services dans lesquels ils investissent, s’intéressent à Ludocare. « On y croit ! Nous avons une bonne étoile et beaucoup d’arguments », s’amuse Elodie Loisel.

Associés complémentaires

La codirigeante évolue dans cette aventure avec deux associés. Thierry Basset, la rencontre qui a déclenché le projet, et Alexandra de la Fontaine, « recrutée » par petite annonce sur un Salon des entrepreneurs. « A la création de Ludocare, nous avions besoin d’une compétence forte pour la gestion de l’entreprise. Ma motivation est placée au niveau du contact terrain avec les enfants, les parents et les médecins. Alexandra de la Fontaine s’éclate à préparer la levée de fonds et à discuter avec les banquiers. Quant à Thierry Basset, il est toujours spécialiste des données liées à la réglementation médicale. Chacun a trouvé sa motivation. Nous sommes une équipe complémentaire. C’est important pour l’entreprise même s’il est parfois difficile d’être entourée de gens si différents de soi-même. Par contre, nous nous retrouvons tous les trois sur les mêmes valeurs : nous avons toujours voulu être utiles à la santé humaine et contribuer au vivre bien et en bonne santé », avoue Elodie Loisel. Ludocare compte, début 2021, cinq salariés, dont les trois co-fondateurs.

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