Groupe Archer : un modèle de proximité validé en temps de crise

AtelierProductionChaussures
L’atelier de production de chaussures

Mobiliser les forces vives publiques et privées d’un territoire. Relocaliser. Relancer des filières industrielles moribondes. Remettre de la citoyenneté dans l’économie. Depuis plus de 30 ans, le Groupe Archer, implanté à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, teste des modèles et réunit les acteurs pour créer des emplois et des start-ups. Un modèle de proximité validé, même en temps de crise.

En 1987 quand un noyau de « travailleurs sociaux, d’élus et de chefs d’entreprise » crée une association, un outil de solidarité pour « les naufragés de l’industrie de la chaussure », selon les termes de Christophe Chevalier, Pdg du Groupe Archer, implanté à Romans-sur-Isère dans la Drôme, ils n’avaient pas imaginé, qu’en 2020, ils auraient à nouveau remis sur l’ouvrage les compétences de cette industrie avec notamment la marque Made in Romans et une Cité de la chaussure qui compte cinq ateliers pour près de 25 emplois. « Voilà 10 ans que la marque existe. La Cité, en plein centre-ville de Romans, à quelques rues du pôle de magasins d’usines Marques avenue, a ouvert en 2018. Un peu coupée dans son élan par la crise sanitaire, la cité affichait pourtant des progressions de chiffre d’affaires de 40 %. La filière devrait générer une centaine d’emplois, dans des micros-ateliers, dans les cinq ans. On pourra alors dire que nous avons sauvé la filière », pronostique Christophe Chevalier. Car cette industrie n’existera plus dans la production à grande échelle mais plutôt selon un modèle de petits ateliers, de niches, de collaborations multiples et d’un lien direct avec la clientèle. « Les intermédiaires s’enrichissent », avance sans ambages le fondateur du Groupe Archer. Et parce que la coopération semble être le leitmotiv du territoire, un lycée professionnel et l’Afpa reproposent des formations dans les métiers du cuir et de la chaussure.

Entre 1987 et 2020, plusieurs étapes et événements ont permis au groupe Archer et à ses filiales de tisser sa toile. « La holding de tête compte aujourd’hui 125 actionnaires dont 100 personnes physiques, une partie de particuliers souhaitant soutenir notre action, notamment pour relancer l’industrie de la chaussure. » Entre l’association initiale, trois sociétés d’intérim, une dizaine d’entreprises dans différents secteurs d’activité et des prises de participation dans d’autres, comme dans la jeanerie romanaise 1083, le groupe compte quelque 1 000 salariés pour un chiffre d’affaires consolidé de 22 M€ en 2019.

L’insertion par l’activité économique

« Après avoir créé une association pour aider les ex-travailleurs de l’industrie de la chaussure, nous avons développé des outils d’insertion par l’activité économique puis sommes allés plus loin en reprenant des petites entreprises, notamment industrielles, qui n’intéressaient aucun repreneur et dont l’activité allait s’arrêter. L’objectif était de maintenir l’emploi sur le territoire », se souvient Christophe Chevalier. Symboliquement, en 2006, le groupe Archer rachète l’ex-siège social du chausseur Charles Jourdan. « Nous avions peur que Romans perde cette image de marque liée à la chaussure. » Le site prend pour nom Pôle Sud, une sorte de pôle de compétences qui regroupe toutes les forces vives d’un territoire pour créer de l’activité économique endogène, tous secteurs confondus. « En 2015, nous sommes le premier employeur installé à Romans-sur-Isère. Nous incarnons le rebond du territoire. Notre modèle entrera dans la loi française, lorsque Benoit Hamon, alors ministre de l’Economie sociale et solidaire, s’appuiera sur l’expérience de Pôle Sud pour créer les PTCE-Pôles territoriaux de coopération économique, en 2014. Nous démontrons qu’à l’échelle d’un territoire, les acteurs sont capables de se mobiliser et de se prendre en charge. »

Start-up de territoire : idéation à grande échelle

ChristopheChevalier
Christophe Chevalier

Cette stratégie de coopération tous azimuts prend une dimension nouvelle quand Christophe Chevalier imagine son PTCE 2.0. « On ne parle pas ici de numérique mais bien d’augmenter les idées. Mettons 100 personnes dans une pièce, des élus, des chômeurs, des chefs d’entreprise, des étudiants… Pour casser les codes et les titres et parier sur l’intelligence du cœur pour s’emparer des grands défis sociaux, économiques et environnementaux de demain. »

Le défi est lancé. Les inscriptions à ce brainstorming géant un peu fou dépassent toutes les espérances. « Le 29 mars 2018, nous étions 1 492 au parc des expositions de Valence pour imaginer les start-ups qui amélioreront, demain, la vie de chacun. Nous sommes ainsi passés d’un lieu, le Groupe Archer et Pôle Sud, à un territoire tout entier de coopération. »

Devant le succès rencontré, le collectif voit grand : « expérimenter le modèle sur six territoires puis l’étendre à 50 et permettre la création de 100 start-ups à fort impact social dans les 5 ans et la création de 1 500 emplois ».

Un dossier est déposé dans le cadre du PIA3 (Programme d’investissements d’avenir) piloté par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) en septembre 2019. Candidature retenue : 22 M€ sont accordés au projet « Start-up de territoire » avec un volet recherche porté par l’Université Grenoble Alpes. Même « s’il est compliqué de le chiffrer », l’apport du PIA3 permettrait un effet de levier de 80 M€ auprès des partenaires financiers et institutionnels pour accompagner les start-ups. Surtout, l’impact sociétal est très important. L’UGA et son laboratoire Pacte, sur les sciences sociales, vont notamment étudier l’impact de la mobilisation citoyenne dans les start-ups, le type d’emplois et de services créés, la viabilité des projets imaginés dans un cadre non isolé, mais bien très ouvert.

Fin 2020, douze territoires ont implanté la démarche Start-up de territoire (Bordeaux, Le Mans, Figeac, Lille, Reims, Lons-le-Saunier…) et dix autres territoires sont en cours de labellisation. « Nous travaillons en open source. Dès qu’une idée fonctionne, elle est partagée pour être dupliquée », selon Christophe Chevalier.

Pour ajouter un nouvel étage à la fusée, l’entrepreneur travaille à mobiliser encore des partenaires pour créer des fonds d’investissement et participer aux financements des start-ups à potentiel de demain.

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