E2C : un tremplin vers une seconde vie

Un nouveau départ, une renaissance, un redémarrage… des expressions courantes qui riment depuis près de vingt-cinq ans, pour des milliers de jeunes avec l’Ecole de la Deuxième Chance (E2C), formidable tremplin vers un ailleurs, une autre vie.

Chaque année, cent mille jeunes décrocheurs de 16 à 25 ans sortent du système scolaire sans emploi ni qualification. Au total en 2018, avant la Covid et la crise économique de 2020, la Dares, la Direction statistique du ministère du travail, dénombrait en France 963 000 « neets », un terme anglais apparu à la fin des années 90. C’est-à-dire 963 000 jeunes de 16 à 25 ans ni en études, ni en emploi, ni en formation. Un mieux puisqu’en 2015, il y en avait 62 000 de plus. Cette baisse de 6 % est imputable probablement à des créations d’emplois et aux politiques d’insertion publiques qui ont été menées.

C’est pour aider les jeunes décrocheurs souhaitant se réinsérer que les Ecoles de la 2e chance ont été actées au niveau européen en 1995 sous l’impulsion d’Edith Cresson, ancien 1er ministre et qui était alors Commissaire Européen chargé de la Science, de la Recherche et du développement.

Celles-ci s’inscrivaient comme l’un des moyens de lutter contre l’exclusion. C’est à Marseille en 1998 que les premiers stagiaires de l’E2C étaient accueillis et depuis, 135 écoles se sont ouvertes un peu partout sur le territoire. C’est en juin 2004 que le réseau des écoles de la deuxième chance était créé et en 2007-2008, que les textes législatifs et réglementaires institutionnalisaient le dispositif et lui donnaient un cadre national. Toutes les structures proposent un suivi individuel conjointement à la pratique de l’alternance en entreprise. « Les Ecoles sont indépendantes et autonomes, mais, explique Alexandre Schajer Président du Réseau des E2C France, elles doivent être labellisées conformément à un cahier des charges délivré pour une durée de quatre ans renouvelable. Nous accueillons un public jeune, entre 16 et 25 ans, en voie d’exclusion. 80 % de ceux que nous rencontrons n’ont validé ni BEP ni CAP et ils sont 84 % à n’avoir aucune expérience professionnelle. Notre mission est de donner à ceux qui le souhaitent, les moyens de réussir. »

Une porte ouverte vers un autre avenir

En 2019, les E2C ont accueilli 15 600 jeunes ; en 2020 un peu moins en raison du Covid, un peu plus de 14 000 au total. « Il est important de souligner que même si nous sommes restés fermés pendant trois et demi tout au long de cette période, nous avons gardé le contact avec 90 % des jeunes, d’où le rôle essentiel du formateur référent. Lorsque les jeunes adultes se présentent sur les conseils des Missions Locales, de Pôle emploi ou du réseau associatif de terrain, nous leur faisons passer un entretien de motivation informel puisqu’il n’y a pas de sélection à l’entrée des Ecoles de la 2e chance. Ensuite, poursuit Alexandre Schajer, nous allons tester leur motivation pendant quatre à six semaines au travers de la construction de leur projet professionnel. C’est un peu comme une période d’essai à l’issue de laquelle huit jeunes sur dix poursuivent leur formation. » Celles et ceux qui décident de continuer signent alors un engagement. La formation est individualisée, adaptée à des jeunes de moins de 26 ans. Elle dure entre quatre et douze mois en fonction du projet de chacun, sachant que les stagiaires sont intégrés tout au long de l’année par petits groupes. Chaque apprenant est suivi par un référent qui l’accompagnera le temps de sa formation et même au-delà. « Nous travaillons au sein des E2C par compétences, appuyées sur le modèle du dispositif CléA et développons une pédagogie par projet.

En plus de cette formation “théorique”, les apprenants peuvent participer à des activités culturelles et pédagogiques. En effet, les E2C se sont donné pour objectif d’ouvrir les jeunes sur les mondes sociaux, professionnels et culturels qui leur étaient jusque-là étrangers, et de développer des compétences utiles à leur insertion professionnelle. A cette remise à niveau des savoirs fondamentaux, s’ajoute l’ouverture sur le monde professionnel. »

Alexandre SCHAJER bureau scaled
Alexandre Schajer

L’entreprise, moteur de la réinsertion

L’alternance est en effet la clef de voûte du dispositif. Elle permet de jeter des ponts entre deux mondes, celui des entreprises et celui des jeunes. Ainsi, les stages en entreprise représentent entre 35 et 40 % du parcours de l’apprenant. Les E2C essaient de leur faire découvrir les métiers en tension, des métiers porteurs, d’où l’importance que prennent ceux de l’artisanat dans leur formation. « Les jeunes qui suivent le cursus n’ont pas le statut d’apprenti. Ils sont stagiaires de la formation professionnelle et reçoivent à ce titre, une indemnité mensuelle versée par la région. A l’issue de leur parcours, ils n’obtiennent pas de diplôme, mais une attestation de compétences acquises, accompagnée de leur portefeuille d’aptitudes. Cette attestation leur permet d’apprécier les progrès qu’ils ont accomplis au cours de leur cursus de formation, et facilite l’accès à l’emploi ou à une formation professionnelle adaptée au métier choisi. Dans tous les cas, qu’il ait ou non un emploi, chacun est suivi pendant un an par son référent. Aujourd’hui, 60 % des jeunes décrochent à la fin de leur “réinsertion” soit un CDD de plus de six mois, soit une formation qualifiante. »

L’Ecole de la 2e chance est un concept européen qui se décline différemment d’un pays à l’autre. En Espagne, au Portugal ou encore en Suède, le modèle est similaire au modèle français. En revanche au Danemark par exemple, ces établissements relèvent de la formation professionnelle et sont donc financés par l’Etat.  

Les E2C sont une deuxième chance via une réinsertion scolaire et aussi sociale, parce que « rien n’est jamais foutu d’avance. »                                               

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