Les datas : un actif à valoriser et bientôt à partager

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© Can Stock Photo / kgtoh

Les datas, les données, sont partout et toutes les entreprises en génèrent et en utilisent. Certaines ont plus de valeur que d’autres. Elles peuvent être un avantage concurrentiel. Des entreprises sont potentiellement assises « sur un tas d’or ». Et parce que le flou juridique persiste, la Commission européenne se penche sérieusement sur la question. Dans les 5 ans, le patrimoine digital des entreprises devra probablement être largement partagé.

Facebook a racheté Whatsapp, en 2014, 22 milliards de dollars. Quant à dire que le marché de la donnée est dynamique… c’est un euphémisme. Aujourd’hui, toutes les entreprises, de la plus petite à la plus grosse, sont en possession de données, stratégiques ou non, plus ou moins exploitables selon le contexte, l’environnement de leur marché, la qualité de ces données, si elles concernent l’interne ou l’externe…

Véronique Blum, maître de conférences spécialisée dans les sciences de gestion et comptables à l’Université Grenoble Alpes et chercheur associé à EMLyon, décrit, dans le webinaire « Valorisation des données en entreprise », organisé le 23 avril 2020 par LES France et la chaire Implid – EMLyon BS, les attributs de la donnée : « Il faut définir leurs sources, comme les auteurs pour une photo ou un plan d’architecture, si elles émanent d’internautes sur les réseaux sociaux, si ces données sont transformées. Le travail de caractérisation, essentiel, détermine également ses origines géographiques, si ce sont des données personnelles ou professionnelles, émanant du secteur privé ou du secteur public. Un data-set est-il complet ? La donnée arrive-t-elle dans un bon timing ? Est-elle facilement accessible ? Exclusive ? Plus la caractérisation est fine, plus il est envisageable de valoriser la donnée. »

Les données sont donc partout : des horaires de bus, des numéros de téléphone, des images, des mesures de températures, des courbes de progression… La variété accompagne la complexité du sujet.

Les variations des données

Pourtant, depuis cette fameuse transaction entre Facebook et Whatsapp, les questions sont prégnantes. Clément Levallois, chercheur associé à EMLyon et titulaire de la chaire « Implid, patrimoine digital des entreprises », affirme que « beaucoup de projets de recherche et de notes de synthèse ont été publiés par des cabinets de consulting en soulevant l’importance du sujet de la valorisation des données d’une entreprise ; pourtant, il y a encore peu de réponses aux questions ». Un des objectifs de la chaire est ainsi de travailler sur une méthodologie prenant en compte les aspects juridiques, managériaux et comptables de la valorisation des données d’une entreprise pour l’inscrire au bilan financier ou extrafinancier.

Car on l’a bien compris, autant un baril de pétrole est comparable à un autre baril de pétrole, autant une donnée est beaucoup plus complexe qu’un seul chiffre, au regard des multiples variations qu’elle connaît. « La méthode que l’on entend mettre en place vise à spécifier les conditions d’inscription des données au bilan de l’entreprise. Ce qui n’a jamais été fait, selon Clément Levallois. Par exemple, aujourd’hui, lorsqu’un dirigeant vend son entreprise pour cause de départ en retraite, ses données n’apparaissent pas au bilan. Autre exemple, les frais de recherche pour créer de la donnée n’apparaissent pas non plus au bilan. »

Conséquences fiscales de l’économie numérique

Cette approche par le bilan engagée par les chercheurs d’EMLyon « fait surgir des questions fiscales alors que les reportings extrafinanciers s’affranchissent de cela et sont moins soumis aux impacts fiscaux », dit Clément Levallois. Les entreprises elles-mêmes commencent à se poser des questions : « Elles peuvent être assises sur un tas d’or et pourtant ne rien en faire. Mais les entreprises de très grande taille appréhendent mieux le sujet, car l’OCDE réfléchit aux conséquences fiscales de l’économie numérique. Des travaux sont en cours. Un cadre devrait être donné. »

Il devrait l’être dans les 5 ans, par la Commission européenne, selon Adrien Basdevant, avocat et intervenant lors du webinaire « Valorisation des données en entreprise ». « Parler de valorisation est complexe, car la donnée n’a pas de prix et pas de droit de propriété rattachée. Et puis de quelle donnée parle-t-on ? Des données personnelles ? Le RGPD ou encore la Loi informatique et libertés de 1978 régulent déjà les données personnelles. Depuis février 2020, la Commission européenne travaille pour définir le droit des données en BtoB. A terme, sa volonté est d’inciter, voire d’obliger, à partager ses données. Le RGPD a mis près de 6 ans avant sa mise en application. On peut estimer que dans les 5 ans, la Commission européenne aura défini un cadre légal de régulation pour les datas en BtoB. »

Les travaux en cours soulèvent alors une foultitude de questionnements : quid du droit de la concurrence, de la propriété intellectuelle des données, du partage ou de la portabilité de la valeur, de la rétribution entre le fournisseur et l’utilisateur…

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