C’est parce que nous avons des ressources que nous sommes capables d’avoir un système économique

Nous vivons dans un monde fini. La question des ressources s’avère donc essentielle quand on envisage la création de richesses. Dans de nombreux scénarios cependant, cette question apparait secondaire. S’inspirer de la démarche effectuale permet de remettre le problème dans le bon sens.

J’ai la chance et le plaisir dans mon métier de rencontrer énormément de dirigeants d’entreprises provenant de tous les secteurs d’activité. Cette fréquentation me permet de prendre la température des petites et moyennes entreprises, de m’enquérir de la santé de nos entreprises. Ces derniers mois, de nombreuses entreprises, notamment dans le bâtiment, ont une activité florissante. Mais qui pourrait l’être davantage, sans cette satanée pénurie de main-d’œuvre. Les matériaux, après un épisode de pénurie de matériau, sont de nouveau disponible… mais à quel prix ! Les affaires sont bonnes, mais pourraient être meilleures si de nombreux indicateurs n’étaient pas dans le rouge. L’énergie a en effet vu ses prix bondir. Des boulangers mettent la clef sous la porte, croulant sous le poids des factures. Ajoutons à cela l’absence de pluie qui crée une situation de stress hydrique et annonce des restrictions au printemps et en été.

Tout cela nous rappelle une chose fondamentale en économie : les ressources sont une donnée d’entrée de l’économie, et non une donnée de sortie. Comme le souligne Jean-Marc Jancovici lors d’une audition à l’assemblée visible sur LCP, « il y a une faiblesse partagée par tous les scénarios énergétiques : l’économie est une donnée d’entrée. Or c’est parce que nous avons des ressources que nous sommes capables d’avoir un système économique ».

C’est en effet parce que nous disposons de matières, d’énergie, de main-d’œuvre, de compétences que nous pouvons produire de la valeur économique et du profit. Il s’agit d’une analyse de bon sens. Si je veux vendre des gâteaux, il me faut les produire. J’ai besoin d’ingrédients. J’ai besoin d’objets plus ou moins sophistiqués, de la simple cuillère jusqu’au four ou au réfrigérateur. J’ai besoin de gaz, d’électricité, d’eau. Je dois aussi disposer d’un local commercial avec un laboratoire. J’ai besoin de compétences en pâtisserie, etc.

Incertitude

Aujourd’hui, les prix du gaz et de l’électricité s’envolent. Le remplissage des nappes phréatiques s’avère problématique. Et puis la main-d’œuvre est fuyante. Nous avons vécu dans un monde où l’accès aux ressources était quasi gratuit et facilement accessible. Nous vivons la « fin de l’abondance », avec l’incertitude qui la caractérise.

L’incertitude, c’est précisément ce que redoute l’entrepreneur. Il existe cependant une méthode pour lui faire face. « L’effectuation, c’est une méthode d’action qui permet de construire une entreprise en situation d’incertitude radicale », écrit Philippe Silberzahn. Plutôt que de planifier et tirer des plans sur la comète, l’effectuation se concentre prioritairement sur les ressources déjà existantes à disposition de l’entrepreneur. « En bref, la logique effectuale consiste, à partir des moyens dont l’entrepreneur dispose et vise, à rechercher les effets que ces moyens peuvent permettre d’atteindre. Un effet atteint devient alors un nouveau moyen, permettant d’atteindre de nouveaux effets, pouvant définir de nouveaux buts et ainsi de suite. Le raisonnement effectual s’oppose au raisonnement causal, qui caractérise la conception “découverte” de l’opportunité, dans le sens où il constitue une approche de résolution dynamique de problème dans laquelle les buts émergent à partir des moyens disponibles, et non l’inverse. »[1]

En ces temps difficiles, s’inspirer de la démarche effectuale permettrait de remettre la question des ressources au fondement du système économique.

A suivre.


[1] L’entrepreneur effectual face aux limites du plan d’affaires, Haithem Chaabouni, Alain Fayolle, Faiez Ghorbel, Younes Boujelbene.

Crédit Photo : Tom Fisk – Pexels

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