Quatre raisons qui expliquent la baisse de la productivité en zone euro

La zone euro connaît un ralentissement très important de la productivité du travail, depuis 2008, beaucoup plus important que les États-Unis. Cette baisse est un handicap pour la croissance et pour le niveau des rémunérations.

La zone euro a connu un réel décrochage de sa productivité par rapport aux États-Unis depuis trente ans. La productivité par tête n’a progressé que de 20 % en zone euro depuis 1990, contre plus de 80 % aux États-Unis. L’écart s’est creusé au début des années 2000 et après la crise de 2008. Les États-Unis connaissant néanmoins depuis 2019 également une stagnation, voire une diminution de leur productivité.

1 – La baisse de la durée du travail en zone euro

La durée du travail dans la zone euro est en baisse constante surtout depuis 2008, et fortement depuis 2020. Si aux États-Unis, elle est stable depuis trente ans, elle s’est contractée de plus de 10 % au sein des États membres de la zone euro. La crise sanitaire a créé un nouveau décrochage. Moins de salariés européens sont disposés à effectuer un nombre important d’heures et à accepter les emplois avec des horaires décalés. Les entreprises sont contraintes de recourir à un plus grand nombre de salariés pour réaliser un même niveau de production. Ce phénomène induit une baisse de la productivité par tête.

2 – Le recul de l’accumulation de capital

Une accumulation plus faible du capital conduit normalement à moins de gains de productivité. De 1995 à 2022, le stock de capital net hors logement par emploi n’a augmenté que de 35 % en zone euro, contre 120 % aux États-Unis. Le stock de capital net hors logement a ainsi progressé de 60 % en trente-cinq ans en zone euro quand il a augmenté de 150 % aux États-Unis.

3 – Stagnation et refus du progrès technique

L’Europe, continent des grandes découvertes industrielles et des grandes inventions qui ont changé le cours de l’économie à compter du XVIIIe, est devenue réfractaire au progrès technique. Elle est supplantée par les États-Unis et l’Asie. Depuis 2007, la productivité globale des facteurs ne progresse plus en Europe quand elle a progressé de plus de 15 % aux États-Unis. Les métiers scientifiques attirent peu en Europe et tout particulièrement en France où le niveau en mathématiques a connu un déclin sans précédent lors de ces vingt dernières années. La baisse des compétences de la population active est également mise en avant pour expliquer le décrochage de l’Europe mais celle-ci est également constatée outre-Atlantique. Les États-Unis sont en revanche plus en capacité d’attirer les talents extérieurs. Le taux d’emploi de la zone euro s’améliore tout en restant inférieur à celui des États-Unis où, en revanche, il régresse légèrement. Cette évolution devrait être favorable à la productivité européenne mais pour le moment cela n’est pas constaté.

4 – Une structure de production défavorable à la productivité en Europe

Si la structure sectorielle de l’emploi se déforme au profit d’emplois peu qualifiés, peu productifs, les gains de productivité se réduisent. La tertiarisation a été souvent jugée responsable de l’évolution de la productivité. Le développement des emplois dans les services dits domestiques (services à la personne en particulier) ne favorise pas la diffusion du progrès technique. Cette tertiarisation ne saurait expliquer l’écart de productivité entre les États-Unis et l’Europe. L’emploi industriel a diminué plus rapidement outre-Atlantique que sur le vieux continent. En 2021, son poids au sein de la population active était respectivement de 8 et de 13 %. Les emplois de services peu sophistiqués (services à la personne, distribution, hébergement — restauration, loisirs, transports) représentent 33 % des emplois aux États-Unis, contre 31 % en zone euro. Ces dernières années, l’emploi dans les Nouvelles Technologies progresse plus vite dans la zone euro qui rattrape son retard sur les États-Unis. En revanche, en matière de services financiers, l’écart de part et d’autre de l’Atlantique reste conséquent. Les emplois dans ce secteur représentent 6 % de l’emploi aux États-Unis, contre 2 % en zone euro.

En résumé, la zone euro paie l’absence de grandes entreprises dans le secteur des nouvelles techniques de l’information et de la communication. Elle est également handicapée par la fragmentation de son marché en particulier au niveau financier, ce qui limite les capacités de croissance des entreprises européennes.

Crédit Photo : Alexander Isreb

Partager cet article