La France, meilleur système de santé au monde ?

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© Can Stock Photo / ricochet64

Les Français, c’est bien connu, disposent du meilleur système de santé du monde. C’est du moins ce qu’on répète en France… 

Eh bien, c’est faux. Vous en trouverez la preuve dans le livre de l’oncologue américain Ezekiel J Emanuel Which Country Has the Best Health Care ? Ce médecin spécialiste, un oncologue américain, a enquêté sur les systèmes de soin dans un très grand nombre de pays. Et il livre les résultats de son enquête, basée sur un très grand nombre de facteurs : qualité des soins, bien entendu, mais aussi degré de couverture des remboursements, état du financement, réglementation, accessibilité des médecins et des soins, prix des médicaments, degré d’innovation. 

Et dans une interview qu’il a accordée au magazine Books de ce mois-ci, il détruit gentiment la belle légende de la supériorité française. Notre système de soins a des atouts, reconnaît l’enquêteur : une grande liberté dans le choix des médecins, un faible coût des examens et des soins. Mais il est peu innovant. Il souffre d’un manque de coordination entre ses différents acteurs. Et dans le domaine de la médecine préventive, nous sommes un peu à la traîne. 

Le système allemand est nettement supérieur au nôtre. Je cite l’interview parue de Books : « l’Allemagne constitue un paradis consumériste pour les patients. Ils accèdent librement à n’importe quel médecin ou hôpital du pays, bénéficient de soins abordables et n’ont à subir aucun délai d’attente. Si l’on a envie de voir dix médecins dans la journée, on ne peut, sans payer cher. » Les lacunes du système allemand existent cependant : mauvaise coordination entre médecine hospitalière et médecine ambulatoire, surutilisation des soins hospitaliers. Faible capacité d’innovation. 

Il est rare, observe notre oncologue, qu’un pays soit bon en tout. Et il aborde le cas du Canada, souvent cité en exemple, parce que la couverture des soins y est universelle. « On peut aller voir les médecins qu’on veut, y compris les spécialistes, sans passer par un médecin traitant. On ne paie aucune franchise pour les consultations, les scanners ou les IRM. » Mais il y a un revers à cette médaille : les médicaments, eux, sont hors de prix. Ce qui contraint certains malades à ne prendre leurs pilules qu’un jour sur deux…

La rentabilité financière semble l’unique préoccupation des hôpitaux américains

Mais si le système français n’est plus le meilleur du monde, on devine en tous cas, que le pire : celui des Etats-Unis… Parce qu’il combine les inconvénients du coût : c’est le plus cher du monde, et de l’inefficacité. Si vous voulez un échantillon, je vous recommande le livre que l’historien Timothy Snyder vient de publier en français, aux Belles Lettres, Notre maladie. Il est sous-titré Leçons de liberté depuis un lit d’hôpital. Ce qu’il raconte du traitement chaotique de la septicémie, mal diagnostiquée et qui a failli récemment lui coûter la vie, est apocalyptique. Les infirmières poussent des ordinateurs sur roulettes en entrant dans la chambre des malades et ne les regardent jamais : elles sont formées à ne prodiguer que les soins indiqués par des programmes ; sans tenir compte du patient ni de ses demandes. Les analyses se perdent et leurs résultats se mélangent. La rentabilité financière semble l’unique préoccupation des hôpitaux. 

En outre, comme l’explique Ezekiel Emanuel, le système assurantiel américain est d’une complication extrême. La majorité des gens sont assurés par l’entreprise qui les emploie, les anciens combattants par l’Etat, les personnes âgées par le Medicare. Les personnes démunies ont théoriquement droit au Medicaid. Mais ce dernier système est d’une telle complexité que 6 millions d’Américains qui pourraient y prétendre y ont renoncé et ne disposent de fait d’aucune couverture santé… En outre, cette catastrophe a un coût faramineux ; 17,9 % du PIB, soit 11 000 dollars par personne. Quand Taïwan n’y consacre que 6 % avec d’excellents résultats. Pourtant, note Ezekiel Emanuel, il y a des raisons d’espérer aux Etats-Unis. Je cite « le système est devenu tellement dysfonctionnel qu’il est contraint de se montrer innovant » ! Ainsi, le système hospitalier est devenu tellement défectueux que les soins à domicile ont acquis un haut niveau de technicité…

Il est intéressant de noter que les systèmes de santé britannique et américain sont aux antipodes l’un de l’autre et pourraient même faire figure de cas-limites. Ce sont en effet les Anglais qui ont mis en place, au sortir de la dernière guerre, le premier système de santé gratuit universel, le fameux National Health Service. La consultation du médecin et les médicaments sont entièrement gratuits. La contrepartie, ce sont les délais parfois très longs, pour obtenir une place à l’hôpital.

D’après l’enquête internationale menée par Ezkiel Emanuel, les meilleurs systèmes de soin du monde sont ceux de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Norvège et de Taïwan. A Taïwan, la couverture universelle permet à tous les habitants de consulter le médecin de leur choix gratuitement et de passer des examens ou une IRM sans ordonnance. Le pays est très en avance sur l’informatisation de la médecine et un dossier médical électronique accompagne chaque patient dans son parcours de santé, ce qui évite de multiplier les analyses. Quant aux Pays-Bas, ils sont les meilleurs dans tous les domaines et ce pays est à la pointe de l’innovation. Seul bémol : l’accès aux médecins spécialistes est soumis à l’approbation du généraliste. Comme chez nous, théoriquement. 


Crédits : France Culture

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