Petite leçon de rhétorique pour cadres et dirigeants (8) : persuader

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© Can Stock Photo / alphaspirit

C’est une belle et bonne chose d’avoir de grandes idées, de grands projets. Mais si vous n’emmenez personne avec vous, votre idée, votre projet restera une abstraction sans impact ni sur le monde ni dans votre vie. Le neuroscientifique Antonio Damasio a démontré dans L’Erreur de Descartes combien les émotions sont cruciales dans le processus de décision. Dès lors, il faut savoir persuader. Victor Ferry a fait une vidéo sur le sujet.

Il y expose cinq techniques tout à fait étonnantes pour persuader votre interlocuteur. Si étonnantes qu’elles en paraissent étranges, voire même malhonnêtes. Avec nos grands idéaux, nous pouvons en effet être retenus dans notre élan et nous contraindre à ne pas user de techniques qui nous semblent « louches ».

Le bon sens ne vaut pas tripette

Je vais, pour une fois, faire appel à la mécanique quantique. Dieu sait si j’ai pesté et peste encore contre le recours à de soi-disant résultats de la physique quantique pour justifier des pratiques dans le monde parfois ésotérique de l’accompagnement. Il ne s’agit là pas d’appliquer un quelconque résultat à notre échelle, mais d’évoquer l’expérience humaine qu’a constitué pour les scientifiques l’émergence de la physique quantique. Semblable d’ailleurs à celle d’autres théories : la relativité, l’héliocentrisme, la rotondité de la terre, etc.

Le fait est que la théorie a semblé suspecte à ses découvreurs même. Ils étaient certains qu’on trouverait « mieux » rapidement, tant les résultats étaient farfelus et non conformes au fameux « bon sens ». Jusqu’à Einstein qui a ferraillé, tout en reconnaissant la validité de ses résultats, pour qu’on abandonne cette théorie au fond scandaleuse pour l’esprit. « Quiconque n’est pas choqué par la physique quantique ne la comprend pas », a dit son premier promoteur Niels Bohr.

Toute cette aimable digression sur la science physique pour dire que le monde ne se conforme pas à notre représentation et que, au fond, le bon sens ne vaut pas tripette.

Crédits : Victor Ferry

Des stratagèmes contre-intuitifs

Non seulement, je vous invite donc à l’abandonner pour abandonner vos réticences en matière de persuasion, mais les quelques lignes qui suivent, retranscrites de la vidéo de Victor Ferry, vont encore, de l’étrangeté du monde,… vous persuader !

Dans la vidéo sont listées 5 techniques de persuasion, classées à rebours de leur invraisemblance. Plus de détails et de références aux études sous-jacentes dans la vidéo :

5/ Plus vous parlez vite, plus vous êtes crédibles : travaillez votre débit !

4/ Plus les gens sont fatigués, plus ils vous croient : épuisez-les !

3/ Parler dans l’oreille droite des droitiers.

2/ Plus les gens manquent de sucre, moins ils sont sensibles à l’argumentation : donnez-leur du sucre !

1/ Plus vous avez un nom qui se rapproche phonétiquement de votre interlocuteur, plus il sera tenté de vous croire : prenez des pseudonymes !

Sans en dire beaucoup plus – je ne vole pas le discours de Victor Ferry – cela me permet d’évoquer à nouveau ma marotte : cultiver l’incertitude, refuser de savoir, éloigner les préjugés.

Ceci nous apprend, à l’instar de la mécanique quantique en particulier et de la science avancée en général, que le monde ne fonctionne pas comme nous pensons qu’il fonctionne. En tout point, la réalité dépasse bien souvent la fiction et notre imagination peine à suivre.

C’est pourquoi fonder notre morale sur le bon sens est un acte périlleux. Sans doute le mieux est-il donc d’être surtout aligné sur ses propres intentions, intentions sur le socle desquels toute action – légale, bien entendu – devient possible.


Laurent Quivogne

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