En France, l’idée de créer un capital jeune fait son chemin…

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© Can Stock Photo / Paha_L

Avec la crise des subprimes, les banques centrales ont mis en œuvre des politiques monétaires expansives qui ont de fortes incidences sur la valeur des actifs. Elles accentuent le fossé entre les générations et entre les différentes catégories sociales. Peuvent-elles conduire à un mouvement de révolte généralisé qui remettrait en cause les fondements de l’économie de marché ?

Pour sauver les économies, les banques centrales ont abaissé leurs taux d’intérêt ces vingt dernières années dans des proportions inconnues. Au sein de l’OCDE, leurs taux d’intervention sont ainsi passés de 2 à 0 % de 2002 à 2020. Avec le concours des rachats d’obligation qui aplatit la courbe des taux, les États empruntent à moins de 0,5 % en moyenne toujours au sein de l’ODE, contre 4 % en 2002. La base monétaire des banques centrales de l’OCDE est durant cette période passée de 2 500 à 22 500 milliards de dollars. Ces dernières sont, à leur corps défendant, devenues les béquilles des États. Ainsi, l’encours de dettes publiques détenu par les banques centrales est passé de 1 000 à 14 000 milliards de dollars en vingt ans. Ce soutien monétaire permet aux États de maintenir des déficits publics élevés qui ont dépassé 8 % du PIB l’année dernière. L’augmentation des dépenses publiques a compensé les effets des crises sur les revenus des ménages. Ainsi, en France, comme dans la majorité des pays européens, la baisse des revenus provoquée par la crise sanitaire a été faible jusqu’à maintenant. Le soutien public a également permis d’éviter les faillites et les destructions d’emploi. Les États ont socialisé une grande partie des revenus des ménages et des entreprises.

Le soutien monétaire massif a des effets négatifs tant sur le plan économique et financier. En anesthésiant la situation économique, il ralentit le processus d’adaptation et de modernisation des économies. Il conduit au maintien d’activités non rentables. Il favorise le gaspillage des ressources financières en faussant l’échelle des valeurs. Avant même la crise sanitaire, l’injection importante de liquidités ne s’accompagnait pas d’une augmentation de l’investissement. Les gains de productivité étaient également orientés à la baisse. Comme quoi l’argent facile à bas coûts n’est pas synonyme d’expansion.

Inflation des actifs immobiliers et boursiers

Sur le plan financier, les politiques monétaires accommodantes ont provoqué une augmentation des valeurs « actions » et des prix de l’immobilier. Depuis 2002, l’indice boursier a été multiplié par 2,5 pour les pays de l’OCDE quand le prix des maisons l’a été par 1,8. Les acteurs économiques recherchent dans ces placements le rendement qui a disparu dans les obligations. Par ailleurs, la progression du volume des obligations en lien avec l’endettement croissant des États entraîne la hausse du cours des actions et du prix de l’immobilier par rééquilibrage de la valeur des portefeuilles. Entre les différentes classes d’actifs, il y a un rapport relativement constant dans le temps. Si une classe augmente en volume, cela amène un ajustement sur les autres classes qui, à défaut de passer également par le volume, s’effectue à travers les prix.

Cette inflation des actifs immobiliers et boursiers accentue les inégalités patrimoniales. Au sein de l’OCDE, la part du patrimoine détenue par les 1 % les mieux dotés est passée de 29 à 33 % de 2002 à 2020. La valorisation rapide du capital favorise les détenteurs. La marche à franchir pour les non-détenteurs est de plus en plus élevée. Cette situation vaut en particulier pour l’acquisition de la résidence principale par les jeunes actifs. La stagnation des revenus et l’absence d’inflation jouent également un rôle important dans la montée des inégalités patrimoniales. D’autres facteurs doivent être également pris en compte. La population se concentrant au sein des grandes agglomérations, les prix augmentent par déséquilibre entre offre et demande logements. Ce phénomène est renforcé par la rareté du foncier disponible, rareté physique et réglementaire. Par ailleurs, le vieillissement de la population favorise la concentration du patrimoine au profit des plus de 55 ans, les successions intervenant de plus en plus tard.

La progression des inégalités patrimoniales devient un sujet au sein des opinions publiques. Afin de les corriger, en France, certains avancent l’idée de créer un capital jeune qui pourrait s’assimiler à un patrimoine universel reprenant l’esprit du revenu universel. Tout citoyen devrait se voir doter d’un minimum de capital afin d’avoir les moyens de mener à bien ses projets de formation, de création d’entreprises ou de possession de son logement. Récemment, Stanislas Guerini, le délégué général de La République en Marche, a proposé un dispositif en faveur des jeunes qui prendrait la forme d’un prêt de 10 000 euros, avec un montant remboursable sur une période de trente ans, à taux zéro et uniquement pour ceux qui auraient atteint un certain niveau de revenu (plus de 1 800 euros bruts par mois par exemple). Plus de cinq millions de jeunes entre 18 et 25 ans pourraient bénéficier en France de ce capital. Cette somme serait censée servir à payer des frais de scolarité, à financer un logement étudiant ou à créer une entreprise. Le coût évalué se situerait en fonction des éventuels remboursements entre 500 millions et 3 milliards d’euros par an.

Plusieurs pays comme le Royaume-Uni ou la Suède ont entrepris d’expérimenter des dispositifs similaires. D’autres pistes pourraient être retenues comme l’amélioration du régime des donations. À ce titre, le Gouvernement pourrait inciter ceux qui ont épargné depuis le mois de mars 2020 avec la crise « Covid » de transmettre en franchise de droit à leurs enfants ou petits-enfants dans la limite de 50 000 ou 70 000 euros. De manière plus globale, il faudrait peut-être revenir à la règle des 10 ans et non des 15 ans en ce qui concerne l’application des abattements pour les donations. Des mesures pourraient être imaginées en cas de transferts qui viseraient à faciliter l’achat de la résidence principale ou la création d’une entreprise par les enfants ou les petits-enfants.

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