Epargne et relance : un couple diabolique

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Depuis le début de la crise sanitaire, les agents économiques privés, les ménages et les entreprises, augmentent leur épargne de précaution pour faire face à la montée des incertitudes. De nombreuses entreprises ont demandé le Prêt Garanti par l’État (PGE) non pas au nom d’une nécessité immédiate mais en cas de besoin.

Les liquidités des entreprises non-financières inscrites à leur actif représentent près de 22 % du PIB en 2020 au sein de l’OCDE, contre 18 % en 2016. L’investissement des entreprises à l’échelle mondiale tend à stagner depuis cinq ans. Ces dernières conservent des volants de trésorerie croissant pour faire face à d’éventuelles crises. La faiblesse des investissements est liée à la conviction des dirigeants implicites ou explicites que le taux de croissance potentielle ne remontera pas à court et moyen terme. Les faibles taux d’intérêt ne les convainquent pas à s’engager dans un processus d’investissement. L’augmentation du nombre de personnes contanimées par le coronavirus, plus de 275 000 mi-septembre, contre 100 000 au début du mois de juillet, n’incite pas les dirgeants d’entreprises à changer leur comportement. Ils devraient conserver un volume important d’actifs liquides.

Epargne subie

Les ménages maintiennent un effort important d’épargne. Pendant le confinement, l’épargne était subie. Depuis, elle s’est muée en épargne de précaution. Le taux d’épargne en France est ainsi passé de 15 à 27,4 % de la fin de l’année 2019 à la fin du premier semestre 2002. Avec le déconfinement, les ménages ont simplement réduit l’effort d’épargne, néanmoins celui-ci est resté positif. Ils n’ont pas puisé dans la cassette constituée entre les mois de mars et mai. La crainte d’éventuelles pertes de revenus et du chômage expliquent cette prudence. En outre, une hausse rapide de l’endettement public conduit en règle générale les ménages à augmenter leur effort d’épargne. Ces derniers pressentent que les pouvoirs publics seront contraints à un moment ou un autre d’instituer des politiques budgétaires restrictives. L’endettement public devrait augmenter au sein de l’OCDE de 20 points en 2020, passant de 120 à 140 % du PIB.

Depuis vingt ans, les ménages augmentent leur enveloppe d’épargne de précaution à chaque crise mais celle-ci ne revient jamais à son niveau initial durant la phase de croissance qui suit. Un effet cliquet joue à chaque fois. Par ailleurs, d’autres facteurs contribuent à la hausse du taux d’épargne comme le vieillissement de la population et l’augmentation de la précarité.

Politiques malthusiennes

Une hausse persistante de l’épargne de précaution aura un effet dépressif en pesant sur la demande, conduisant les gouvernements à maintenir des politiques budgétaires expansionnistes. Les déficits publics devraient rester élevés durant plusieurs années, ce qui conduit immanquablement à reporter la hausse des taux directeurs des banques centrales. Plus le niveau d’endettement sera élevé, plus la sensibilité des États aux hausses de taux sera importante. Dans ce contexte, les taux réels à long terme devraient rester négatifs sur plusieurs années. Cette situation aura pour conséquence une hausse des cours boursiers et des prix immobiliers avec un risque accru de décorrélation nette entre l’économie réelle et les prix des actifs. En vingt ans, les principaux indices boursiers des pays avancés ont été multipliés par 2,5 et les prix de l’immobilier ont doublé. La baisse éventuelle des revenus, le recours au télétravail ainsi que le ralentissement économique devraient, il est vrai, peser sur la demande de biens immobiliers. A contrario, les politiques malthusiennes en matière de construction mises en œuvre dans de très nombreuses villes génèrent une pénurie qui favorise la hausse du prix.

La mobilisation de l’épargne en faveur de la croissance passe par le développement des placements longs comme le Plan d’Épargne Retraite. Cela suppose la restauration d’un minimum de confiance, ce qui est en soi un défi dans un contexte incertain tant sur le plan sanitaire qu’économique.

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