Le monde face à une nouvelle crise alimentaire

La dernière fois que l’économie mondiale a connu une hausse importante des prix alimentaires, une série de crises politiques a été constatée avec, comme épicentre, les soulèvements du printemps arabe en 2010/2011. En 2022, l’augmentation des cours des produits agricoles se double de celle de l’énergie.

À compter de l’automne, plusieurs pays émergents ou en développement pourraient être confrontés à des tensions sociales importantes surtout au sein des grandes agglomérations. Cette crise intervient juste après celle du covid qui a conduit les États à s’endetter fortement. Les pays les plus pauvres doivent faire face à des dettes importantes avec des taux d’intérêt qui remontent rapidement. Ils ne disposent pas de marges de manœuvre pour compenser les effets de l’inflation.

Selon le FMI, 41 États sont en « surendettement » ou à haut risque. Le Sri Lanka a déjà fait défaut et le Laos pourrait également être dans la même situation prochainement. Des émeutes se sont déjà produites dans plusieurs villes. Au Pérou, des manifestations violentes ont eu lieu avec comme thème la défense du pouvoir d’achat. En Inde, un plan visant à supprimer certains emplois à vie dans l’armée a provoqué des troubles. Au Pakistan, le gouvernement a provoqué une sourde hostilité en exhortant ses citoyens à boire moins de thé pour économiser des devises fortes. Selon The Economist, la montée des troubles et le risque de révolution seront au plus haut à la fin de l’année et en 2023.

Parmi les pays les plus exposés figurent la Jordanie et l’Égypte qui dépendent des importations de produits agricoles et d’énergie, ces deux pays ayant, par ailleurs, des finances publiques délétères. En Turquie, le gouvernement a accentué les tensions inflationnistes avec la mise en œuvre d’une politique monétaire erratique. La possibilité de rébellions même si le pouvoir dirige le pays avec force n’est pas nulle. L’inflation crée de la pauvreté et nourrit la corruption. Quand les salaires ne suivent pas les prix, les pratiques douteuses se multiplient. Quand les prix sont gelés, le marché noir prospère. Le déclencheur du printemps arabe a été le suicide d’un colporteur tunisien, qui s’est immolé par le feu pour protester contre les demandes constantes de pots-de-vin de la police.

Un contexte d’une rare complexité

Face aux risques d’émeutes, de révolution, les investisseurs internationaux optent pour l’attentisme. Les pays concernés constatent déjà une baisse des investissements. L’instabilité politique et les manifestations ont pour conséquence de diminuer la croissance d’un point de PIB dans les dix huit moins suivant les évènements.

Pour éviter la survenue d’une crise alimentaire de grande ampleur, des voix se font entendre pour réduire l’utilisation des céréales comme biocarburants et pour inciter les agriculteurs à ensemencer leurs terres.

Au sein des pays émergents et en développement, des agriculteurs ont préféré laisser en jachère leurs champs en espérant qu’ils puissent être achetés par les pouvoirs publics dans le cadre de projets immobiliers ou d’infrastructures.

Plusieurs États ont demandé un plan d’urgence du FMI et de la Banque mondiale. Au Sri Lanka et en Tunisie, des représentants du FMI sont arrivés en juin afin d’aider à la mise en place de réformes. Des négociations sont en cours pour d’éventuelles livraisons de céréales d’origine ukrainienne malgré le blocus en Mer noire. Pour le moment, aucune solution ne semble se dessiner pour cet été. Seuls la voie ferrée et les camions sont pour le moment utilisables. Or, un wagon transporte 60 tonnes de céréales quand un bateau peut en contenir 75 000 à 90 000 tonnes. Cela signifie qu’il faut plus de 1 000 wagons pour remplacer un navire. Par ailleurs, il faut changer de train à la frontière ukrainienne du fait d’écartements de rail différents. Dans ce contexte d’une rare complexité, une importante coopération internationale apparaît nécessaire pour la fin de l’année.

Crédit Photo : Can Stock Photo – k86

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