L’Europe peut-elle exister face à la Chine et aux États-Unis ?

L’Europe a pu longtemps compter sur son important marché intérieur pour faire jeu égal avec les États-Unis ou la Chine. Or, la demande intérieure européenne a décroché en 2008. Si elle faisait jeu égal avec celle des États-Unis en 2006, un écart de 2 000 milliards de dollars est constaté en 2020. De son côté, la demande intérieure chinoise qui était de 1 000 milliards de dollars en 2008 a dépassé celle de l’Europe en 2021 (plus de 4 000 milliards de dollars).

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En matière de recherche et d’innovation, l’Europe prend du retard par rapport aux États-Unis et se fait rattraper par la Chine. Les dépenses totales de R&D atteignent 3,2 % du PIB aux États-Unis, 2,3 % en Chine et 2 % pour l’Union européenne. En valeur absolue, les dépenses de recherche représentent plus de 650 milliards de dollars outre-Atlantique, contre 400 milliards de dollars pour l’Union européenne et 320 milliards pour la Chine. Ces dépenses stagnent depuis dix ans en Europe quand elles sont en constante augmentation au sein des deux autres grandes zones économiques. En 2020, 13 000 brevets triadiques ont été déposés par des sociétés américaines contre 12 000 pour les entreprises européennes, et 6 000 pour les entreprises chinoises.

Un décrochage qui s’amplifie

Si pour le secteur des techniques de l’information et de la communication, l’Europe a fait jeu égal avec les États-Unis en termes de valeur ajoutée, le décrochage s’amplifie d’année en année. La valeur ajoutée de ce secteur est ainsi passée de 4 à 8 % entre 2004 et 2020 aux États-Unis et de 4 à 5 % en Europe. L’investissement dans le secteur des technologies de l’information et de la communication s’élève à 4,5 % du PIB aux États-Unis, contre 2,8 % en Europe.

Le nombre de robots industriels pour 100 emplois manufacturiers est de 2,5 aux États-Unis, contre 1,8 en Chine comme en Europe.

Les entreprises technologiques se concentrent aux États-Unis et en Chine qui, respectivement, en ont 6 et 3 fois plus que l’Union européenne (source Statistica CB insights). Cette prédominance américaine s’appuie sur une surreprésentation des universités américaines parmi les dix meilleures au monde selon le classement établi par l’Université de Shanghai. Seul le Royaume-Uni arrive à placer deux établissements d’enseignement supérieur (Cambridge et Oxford) parmi les dix premières. L’Europe arrive à faire jeu égal avec les États-Unis en ce concerne le niveau d’éducation notamment grâce à l’amélioration de celui de l’Allemagne. La proportion de personnes de plus de 25 ans diplômés de l’enseignement supérieur dépasse 50 % aux États-Unis. Elle atteint 22 % en Europe et 4 % en Chine. La part des exportations de produits de haute technologie par rapport à l’ensemble des exportations est passée de 15 à 30 % en Chine de 1998 à 2020 quand elle a baissé en Europe (respectivement 16 et 12 %). Cette baisse est encore plus marquée aux États-Unis (respectivement 25 et 10 %).

Le résultat chinois doit être néanmoins relativisé, car une partie des exportations de produits de haute technologie comptabilisées correspond à des réexportations de produits importés. Les États-Unis devancent très largement l’Europe sur les levées de fonds en private equity (elles atteignent 540 milliards de dollars, contre 108 milliards de dollars en 2020). La Chine est très loin derrière (28 milliards de dollars) du fait de la moindre financiarisation de son économie.

Un niveau de formation des actif élevé

L’Europe apparaît distancée par les États-Unis et est doublée par la Chine. Les retards au niveau de la haute technologie sont manifestes. Pour rattraper son retard, elle peut compter sur le niveau de formation des actifs qui demeure parmi les plus élevés du monde. La constitution d’un véritable marché européen du private equity apparaît indispensable afin d’accroître les investissements dans les hautes technologies.

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