Projet TERA : quand l’utopie se réalise

D’autres sociétés alternatives s’inventent, ici ou là. Tout le problème consiste à les rendre viables économiquement. C’est bien parti pour le projet TERA, imaginé par Frédéric Bosqué.

Frédéric Bosqué fait partie de ces entrepreneurs dont on aimerait qu’ils soient plus nombreux. « Je me définis comme un entrepreneur humaniste, au service d’une économie au service de la vie. Je suis profondément attaché à l’expérience humaine, au devenir de l’être humain, à sa condition. L’être humain, c’est à fois une infinité de possibilités et une incroyable fragilité. Je suis stupéfait par cette capacité de l’être humain à se dépasser continuellement. » Si le propre d’une entreprise est de créer de la valeur, Frédéric a toujours refusé de considérer cette dernière sous un aspect exclusivement économique. Ces convictions l’on amené à imaginer un écosystème coopératif territorial qui se concrétise aujourd’hui.

Modèles alternatifs

Frédéric a travaillé très tôt et s’est rapidement confronté à l’entrepreneuriat. En 2000, il crée sa start-up dans l’Internet. Il se heurte rapidement à la spéculation du secteur de l’internet ; l’entreprise est balayée. « C’est à ce moment que j’ai compris qu’il y avait un gros problème dans le financement des entreprises ». Cet échec conforte sa conviction que notre système économique marche sur la tête ; il aiguise sa volonté d’imaginer d’autres modèles plus respectueux des écosystèmes.

À partir de ce moment, il se tourne vers l’ESS en reprenant une entreprise adaptée de personnes en situation de handicap en dépôt de bilan et il crée une agence d’intérim social. Il travaille en parallèle afin de mieux comprendre le fonctionnement des marchés financiers. Très rapidement, il participe avec Patrick Viveret au sein du Mouvement Sol à la création de la première monnaie locale qui associe une municipalité : le sol-violette à Toulouse. En parallèle, il se lance dans la création du Mouvement français pour un revenu de base.

En 2013, inspiré par la démarche de Pierre Rabhi et des forums ouverts du mouvement des Colibris, Frédéric recense bon nombre d’initiatives citoyennes en France. Cette autre économie chère à ses vœux est donc possible. La révolution a déjà eu lieu, mais à bas bruit. Ces initiatives sont éparses et manquent de culture entrepreneuriale pour se développer. Frédéric décide d’aller à la rencontre de ceux qui inventent ces nouveaux modèles et se lance dans un tour de France à vélo. A Monceaux-les-Mines, il rencontre Marc, un agriculteur qui n’arrive pas à vivre de son travail. Frédéric n’arrive pas à comprendre comment une société peut enrichir autant ceux qui n’apportent aucune valeur à la société, alors qu’elle appauvrit ceux qui s’échinent à en créer. Il faut aider ces personnes, leur apporter la culture entrepreneuriale qui leur manque pour vivre décemment de leur travail.

Une contre-société

Dans l’entreprise adaptée qu’il dirige, il subit une fois de plus la pression financière. Il mesure toujours et encore le hiatus entre d’un côté son devoir d’équilibrer les comptes et de développer la rentabilité de son entreprise et de l’autre ses engagements sociaux et écologiques. La tension est sans cesse plus forte ; Frédéric réalise qu’elle est difficilement tenable sur le long terme. Au retour de son tour de France, il finalise la cession des entreprises qu’ils dirigent aux salariés pour se lancer dans un projet élaboré au sein de la formation Copernic, le parcours de professionnalisation au métier de Dirigeant-Entrepreneur créé par le CJD. Neuf mois pour accoucher du projet TERA, un projet de revitalisation de zone rurale par la mise en place d’écosystèmes coopératifs territoriaux regroupant entreprises, associations et collectivités.

TERA comme Tous (on prend tous les vivants) Ensemble (dans la diversité des styles de vie) vers un Revenu d’Autonomie (qui garantit une demande solvable et durable aux entreprises locales et aux collectivités territoriales) : Cette idée de contre-société part d’un constat. D’un côté, nos campagnes se meurent. Les entreprises quittent les campagnes et, avec elles, les populations et les services publics. Cette érosion est à l’œuvre depuis des décennies déjà. De l’autre, l’aspiration des nouvelles générations à vivre autrement les conduit à vouloir quitter les métropoles et rejoindre les campagnes. Pour permettre à ces populations de s’installer dans nos campagnes, il faut de l’activité économique et sociale. Plutôt que d’attendre vainement du sommet de l’État de possibles réponses à la question de la désertification rurale, plutôt que de gloser dans les salons des cabinets ministériels sur une hypothétique réindustrialisation, la solution la plus pérenne et la moins incertaine ne peut venir que de la base, que de la volonté des acteurs à s’autoorganiser pour faire émerger une société plus conforme à leurs désirs.

Ce modèle pourra en inspirer d’autres, en France et au-delà, car le problème de la désertification rurale n’est pas spécifiquement français. Pour être robuste et viable, ce projet s’appuie sur un principe fondateur : l’instauration au sein de la communauté d’un revenu de base inconditionnel versé en monnaie citoyenne locale contre garantie par une production relocalisée à 85 % et durable. Un revenu de base pour vivre dignement de son travail et un paiement en monnaie alternative numérique pour s’assurer que la force économique irrigue les acteurs de l’écosystème.

A suivre.

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