Internet, le commun des communs

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© Can Stock Photo / focalpoint

« Le Commun des communs », voilà comment certains nomment Internet, dont l’intégralité du contenu, immatériel, est par essence partageable à l’infini. Ce vaste champ d’expérimentation revivifie les formes plus anciennes de communs. Aujourd’hui, ce concept se trouve au centre même du débat public, via le problème des données personnelles…

Au nombre des bouleversements les plus inattendus qu’ait apportés la mutation numérique, le retour des communs* n’est pas le moindre. Quoiqu’à bien y regarder, le phénomène soit parfaitement logique, presque inévitable aux dires de spécialistes qui ne manquent jamais de rappeler qu’internet fut, dès le départ, pensé et construit comme un commun, ses protocoles ouverts et universels contribuant pour beaucoup à la rapidité avec laquelle la nouvelle ressource put se déployer.

Commun par essence

Au terme d’un siècle focalisé sur l’idée de propriété, le mouvement du Libre et de l’open source, prônant la liberté de circulation de l’information, accompagna internet dans son déploiement tout au long des années 90 et le marqua fortement de son empreinte « partageuse » (creative commons, etc.). Non seulement internet apporta alors un souffle nouveau aux anciens communs, matériels, permettant la constitution de communautés élargies et distribuées et non plus uniquement petites et locales, mais sa spécificité : « être entièrement composé d’objets numériques — par essence duplicables à l’infini — l’a automatiquement transformé en champ d’expérimentation idéale de la propriété collective, explique Ariel Kyrou, essayiste et fondateur de solidarum.org. Car il faut bien voir qu’à côté des communs numériques stricto sensu tel Wikipédia, d’innombrables variations et pratiques inspirées sont aujourd’hui à l’œuvre».

Du virtuel au concret…

Si les communs numériques s’expriment actuellement dans trois champs principaux : logiciels, wikis, banque de données et d’informations en ligne, la dimension facilitatrice d’internet ainsi que l’extraordinaire source d’innovations qu’apporte son intelligence collective l’ont également conduite à revivifier l’ensemble des communs. « La notion de communs est réapparue dans la vie publique en 2005,se souvient Valérie Peugeot, chercheuse, commissaire à la CNIL et fondatrice de l’association Vecam organisatrice du premier congrès sur ce thème. Et, depuis 2010, sans faire le JT, le sujet est sorti de sa confidentialité et suscite un intérêt élargi. Les communs numériques ne cessent de revivifier et faire évoluer les communs usuels : communs urbains, organismes fonciers solidaires gérés collectivement, etc. Sachant bien sûr, big data et données personnelles aidant, que le mouvement prend tous les visages : initiatives vertueuses (mydata.coop, PatientsLikeMe…), mais également dérives, récupérations, common-washing… »

Vers un statut légal ?…

Car « la logique de partage » propre à internet a toujours eu ses contradicteurs indéfectiblement accrochés à la notion de propriété individuelle. Qui freinent des quatre fers pour empêcher l’institutionnalisation de telles pratiques. « L’absence de statut juridique est le principal obstacle freinant l’essor des communs numériques,rappelle Ariel Kyrou. Lors de la loi sur la République Numérique de 2016, la SACEM et divers organismes liés à la propriété se sont opposés à la création d’un tel statut ».

Car « la logique de partage » propre à internet a toujours eu ses contradicteurs indéfectiblement accrochés à la notion de propriété individuelle. Qui freinent des quatre fers pour empêcher l’institutionnalisation de telles pratiques. « L’absence de statut juridique est le principal obstacle freinant l’essor des communs numériques,rappelle Ariel Kyrou. Lors de la loi sur la République Numérique de 2016, la SACEM et divers organismes liés à la propriété se sont opposés à la création d’un tel statut ».

Jérôme BOURGINE

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