Projet de loi climatique : la parole aux jeunes

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Photo de Markus Spiske provenant de Pexels

Dimanche 28 mars 2021, ils étaient des milliers de Français à déferler dans les rues de toute l’Hexagone pour exiger une « vraie loi climat », alors que la problématique devait être abordée le lendemain, lundi 29 mars, à l’Assemblée. Nous avons demandé leurs avis à des marcheurs afin de connaître exactement ce dont ils attendaient de cet évènement.

Ils s’appellent Marion, Cécile, Carole, Omar. Ensemble, ils ont défilé le dimanche 28 mars à Toulouse. Ce jour-là, les banderoles étaient grincheuses : le projet de Loi Climatique n’allait pas assez loin. Il n’atteint pas l’objectif de 40 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Et encore moins le nouvel objectif européen de -55 %. Pourtant, il y a eu l’Affaire du Siècle, durant laquelle un groupe d’ONG a notamment reproché à l’administration française de ne pas faire assez pour lutter contre le dérèglement climatique. Après deux ans d’instruction, le tribunal administratif de Paris a jugé, en février 2021, l’État français coupable de « carences fautives […] en matière de lutte contre le réchauffement climatique ».

Comment s’est déroulée la journée du 28 mars à Toulouse ?

Omar, ingénieur informatique chez Air France, militant vegan et antispéciste : « c’était unanimement un très beau moment, de partage et de motivation collective, un moment de joie aussi de se retrouver après tant de mois isolés ». 

Marion, co-initiatrice de la marche toulousaine avec trois autres citoyens, rejoints ensuite par de nombreuses associations : « il y avait les jeunes de Youth for the Climat bien motivés à l’avant avec leurs mégaphones. On était environ 1500 dans la Ville Rose. Beaucoup de personnes qui prenaient part dans les cortèges marchaient pour la première fois pour le climat (c’était mon cas). Cela signifie que nous sommes de plus en plus nombreux à nous sentir concernés par la cause et à la défendre.

Cécile, 33 ans, co-initiatrice de la marche toulousaine : “magnifiquement bien ! Nous avons pu réunir tous ceux pour qui la cause est importante et qui souhaitaient l’exprimer”.

Carole, co-initiatrice de la marche toulousaine : “la marche s’est déroulée dans la joie et la solidarité. Plus de 30 organisations locales avaient cosigné pour cette marche toulousaine. Une belle réussite !”

Qu’en attendiez-vous ?

Omar : “montrer notre soutien aux propositions faites par la CCC (la Convention Citoyenne pour le Climat, NDLR) aux différents amendements proposés par des élus d’opposition qui ont été refusés. 

Marion : ‘j’attendais que ces marches puissent interpeller les politiques à la veille du début des débats à l’Assemblée Nationale sur la loi climat. Montrer notre désaccord face à ce projet de loi, peu ambitieux, qui a largement élagué les mesures proposées par la CCC alors qu’elles devaient toutes être reprises ‘sans filtre’ comme s’y était engagé le Président. Les membres de la CCC ont travaillé dur en collaboration avec des experts et toutes leurs propositions étaient réalisables. Et pour moi, ces mesures, c’était un minimum à mettre en place pour commencer la transition.

Carole : ‘j’espérais qu’il y ait beaucoup de monde et un rassemblement de tout horizon. Pour une marche organisée en quelques jours, c’était pas mal ! Mais, ce n’est qu’un début. Cette marche a rassemblé plus de 110 000 participants dans toute la France. 55 000 à Paris ! Ainsi, nous avons pu faire entendre le fait que les propositions de la CCC devaient être respectées. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités devant l’urgence climatique en établissant des lois ambitieuses’.

Pensez-vous que cette marche symbolique ait une grande portée au vu de l’urgence de la situation ?

Omar : ‘on sait tous la considération que donne le gouvernement aux manifestations. On sait que les manifestations ne suffisent pas, et ce même lorsque le nombre de manifestants ne cesse d’augmenter. Mais ça sert déjà à rendre ses opinions visibles par d’autres moyens que l’urne, quand bien même elles seraient minoritaires. Tous ceux qui prennent conscience des problèmes climatiques éprouvent un sentiment d’impuissance, mais ça redonne espoir de voir de plus en plus de personnes réagir et actionner des choses, au niveau individuel et collectif, pour changer la donne. Il ne faut pas tomber dans le défaitisme, car comme le dit Valérie Masson Delmotte ‘chaque demi-degré compte, chaque année compte, chaque choix compte’’.

Marion : ‘ce n’est pas cette marche seule qui changera les choses c’est sûr, mais, en multipliant les actions de ce type, on pourra les faire évoluer. Et surtout pas en se disant que quoiqu’il arrive il est déjà trop tard… Je suis le mouvement #MaintenantouJamais et d’autres actions sont en cours : interpellations de députés par divers moyens, siéger devant les permanences…’.

Cécile : ‘ce que je pense a peu d’importance, mais ce dont je suis convaincue, c’est que ‘celui qui voit un problème et qui ne fait rien fait partie du problème’ (Gandhi)’

Carole : ‘cette marche, c’est pour moi les prémices de mobilisations massives. De plus en plus de gens et de nombreux jeunes se sentent concernés par le climat et la biodiversité, et veulent agir. Même si tout le monde n’était pas dans la rue, comme le disait Margaret Mead : ‘Ne doutez jamais du fait qu’un petit nombre de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde. En vérité, c’est la seule chose que l’on n’a jamais faite’’. 

Avez-vous d’autres idées pour l’avenir de notre planète ?

Omar : ‘la grève pour le climat était une très bonne idée je trouve. Il faut des moyens d’action concrets afin de créer un vrai rapport de force et imposer une réglementation ambitieuse sur les grands pollueurs. Il faut aussi réussir à proposer une alternative enviable au monde de surconsommation et d’exploitation des ressources. L’écologie continue à avoir une image austère qui n’a comme projet que du moins de ceci et moins de cela. Il est important de changer les imaginaires à ce sujet, mais ça prend du temps’.  

Marion : ‘globalement, ce qui ne tourne pas rond, c’est cette croissance et cette consommation effrénée ! Chaque petit pas compte, mais il nous faut aujourd’hui une réglementation mondiale avec, selon moi, une régulation des naissances, trouver des alternatives biodégradables à tous nos emballages et favoriser la consigne, le vrac, trouver une alternative à l’argent avec des monnaies locales, des plateformes de services et d’entraides sur les différents territoires, une alimentation produite localement et respectueuse de l’environnement (beaucoup d’emplois peuvent être créés en ce sens), favoriser les transports doux, rouvrir d’anciennes lignes laissées à l’abandon, en créer peut-être des nouvelles, limiter le nombre de voyages en avion par an et par personne, limiter les achats neufs et favoriser les achats d’occasion… On va continuer à multiplier les actions, une nouvelle marche est déjà prévue le 09/05, nous espérons y voir encore plus de monde qu’à celle-ci ! Il est grand temps de mettre en place cette transition pour notre planète et pour les générations futures’.

Cécile : ‘nous sommes la preuve que chaque citoyen a son propre pouvoir. Et nous sommes nombreux. Je crois que si chacun d’entre nous fait sa part, à sa mesure, alors cela pourrait tout changer…’

Carole : ‘notre planète nous met au défi de vivre différemment. Je crois beaucoup à la sobriété heureuse de Pierre Rabhi. Nous pouvons vivre plus simplement, plus proches de la nature, en ralentissant nos rythmes effrénés, et aussi avec plus de solidarité. Nous sommes souvent réfractaires au changement, mais je crois sincèrement que nous y gagnerons beaucoup, nous-mêmes et notre planète. Nous devrions aller vers cette sobriété heureuse de façon individuelle, mais aussi collective. Et les Etats doivent accompagner les changements en votant et en faisant appliquer des lois ambitieuses pour le climat tout en étant justes pour les plus démunis. Pour prendre soin de notre planète, il me semble important de prendre d’abord soin de soi, et des autres, en revenant à l’essentiel.

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