Fin de l’abondance : les dirigeants aquitains cultivent l’indépendance et la sobriété

Le 22 juin dernier, sur le magnifique site du Tir au Vol à Arcachon, les sections de Bordeaux et d’Arcachon se sont réunies pour une journée de réflexion autour de l’indépendance dans un contexte de raréfaction des ressources. Une journée qui fait écho aux propos récents d’Emmanuel Macron sur la « fin de l’abondance », à ceux d’Elisabeth Borne sur le « plan de sobriété », ainsi qu’à la tribune de Mélanie Berger-Tisserand et Thomas Bourghelle.

Ces cinquante dernières années, la globalisation a interconnecté et complexifié nos économies. Ce phénomène a permis leur développement. Nous parlions alors de « village mondial » dans lequel les distances étaient abolies et où tout semblait instantanément accessible grâce à Internet.

Covid, guerre, sécheresse…

Mais les événements de ces derniers mois – épidémie de Covid et guerre en Ukraine – ont mis en lumière l’extraordinaire réseau de dépendance dans lequel nos économies – et nos vies — sont insérées. Car la complexité implique l’incertitude. L’imprévisible a fait irruption et bouleversé nos quotidiens, bousculé nos entreprises. Habitués à l’abondance, nous découvrons les ruptures d’approvisionnement ; l’énergie voit son coût augmenter et son accès se tarir.

Nous réalisons aujourd’hui que la machine entière peut s’enrayer et se mettre à l’arrêt quand surviennent certains « cygnes noirs », ces événements hautement improbables aux conséquences dévastatrices. Covid 19, guerre en Ukraine, urgence climatique, justice sociale… Sur un plan géostratégique, nos pays doivent intégrer cette nouvelle donne et se diriger vers davantage de sobriété tout en travaillant à leur autosuffisance alimentaire et énergétique. Concernant la responsabilité du dirigeant, il devient urgent de reconfigurer le terrain de jeu des entreprises, d’aller vers davantage de proximité, de gagner en indépendance pour pérenniser l’activité et la rendre plus robuste face aux aléas. À titre individuel, nous sommes psychologiquement éprouvés et ressentons le besoin de nous libérer de ces tensions croissantes.

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Charly Gaillard, Sophie Braun et Aymeric Baes ont été les grands témoins de cette journée organisée par les sections de Bordeaux et d’Arcachon et leurs présidents, Frédéric Morel et Gilles Pécastaing.

Penser l’interdépendance

Lors de la journée du 22 juin, une centaine de dirigeants présents ont réfléchi aux moyens de se libérer de ces dépendances multiples autour de trois ateliers animés par trois grands témoins.

Aymeric Baes, ingénieur et agriculteur, entrepreneur responsable (Scea de la Motte/Bioénergie de la Motte/La Motte de Terre) a fait travailler les adhérents autour d’un scénario catastrophe : « et si en septembre 2022, vos entreprises sont obligées de réduire de 30 % leur consommation de gaz et si les prix de l’électricité triplent, comment vous y prendriez-vous ? Et sur un plus long terme ? » Un scénario qui, aujourd’hui, ne relève pas de la pure science-fiction…

Sophie Braun quant à elle, psychanalyste jungienne et psychothérapeute, ancienne chef d’entreprise, auteure de C’est quand la vie ? et de La tentation du repli aux Éditions du Mauconduit, part d’un constat paradoxal. Être entrepreneur, c’est affirmer son besoin d’autonomie ; et pourtant, dans la relation, l’entrepreneur doit « faire avec ». Comment éviter de sacrifier son autonomie sur l’autel du collectif et de l’entreprise ?

Charly Gaillard, dirigeant de beager, président du Lab Pareto, a mis pour sa part l’accent sur l’importance de soigner la relation clients/fournisseurs pour anticiper les soubresauts qui impactent depuis des moins déjà les chaînes d’approvisionnement. « Quelles solutions avez-vous trouvées pour faire face à cette dépendance vis-à-vis de vos fournisseurs et/ou de vos clients ? »

L’objectif de la journée fut d’éclairer les liens d’interdépendance qui nous unissent, car il n’y a pas de véritable indépendance sans interdépendance. Il s’agit d’empêcher toute asymétrie dans la relation pour ne pas tomber en situation de vulnérabilité. C’est la conclusion de la table ronde animée en fin de journée par la journaliste Diane Douzillé. Rien de bien révolutionnaire, une évidence même. Évidence que le contexte géopolitique de l’après-guerre nous a fait pourtant oublier et qui, aujourd’hui, nous explose à la figure.

Photo : Site du Tir au Vol à Arcachon – Crédit : CJD

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