L’économie mondiale à l’épreuve du Covid-19 : des « mesures exceptionnelles » aux conséquences incertaines

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Du fait des conséquences de la crise du COVID-19, beaucoup d’économies sont en chute libre. Quelles sont celles qui vont pouvoir rebondir dès 2021 ? Quelles sont celles qui vont s’effondrer ? Quelles stratégies adopter pour que le premier scénario ait plus de chance de se réaliser que le second ?

Riccardo Hausmann, l’ancien ministre de la planification vénézuélien, aujourd’hui réfugié à Harvard et consultant, s’appuie, pour formuler ses conseils, sur des exemples choisis dans des crises récentes. La crise des subprimes de 2008 bien sûr, mais aussi la crise qui sévit dans les anciennes républiques d’URSS après son démantèlement, ou encore la crise de la dette en Amérique latine au début des années 1980.

Lorsqu’on lance une balle de tennis sur le sol, elle rebondit. Mais lorsqu’on y lance une bouteille, elle s’y fracasse.

Riccardo Hausmann

Certains pays ont mobilisé des ressources financières inimaginables

D’après Hausmann, trois facteurs se révèlent décisifs : l’ampleur du choc économique provoqué, la résilience dont fait preuve l’économie nationale, les conséquences politiques du choc. Dans le cas de la crise actuelle, d’origine sanitaire, il s’agit d’abord des conséquences des mesures prises pour prévenir la propagation de l’épidémie sur le marché de l’emploi. Lorsque les gens hésitent à se rendre à leur travail, ou qu’on le leur interdit, l’activité s’effondre.  Mais les épisodes de confinement ont aussi amputé la consommation. Certains secteurs d’activité ont été plus touchés que d’autres, comme le tourisme, la restauration, l’entertainment. Cela, on le sait, mais on a moins pris en compte les effets du ralentissement des échanges mondiaux sur les économies fortement dépendantes de la demande extérieure. 

Certains pays ont mobilisé des ressources financières inimaginables en temps de paix pour éviter les faillites en chaînes de leurs entreprises et assurer la continuité des revenus. Le plus souvent, faute de ressources financières, ces Etats déjà lourdement endettés comme les Etats-Unis et la France, doivent compter sur les « mesures exceptionnelles » décidées par des banques centrales décidément bien complaisantes. 

Le retour du spectre de l’inflation ?

Mais, comme le relèvent sur Project Syndicate, deux Français, Bertrand Badré et Aurélie Jean, la FED américaine en particulier ne pourra pas indéfiniment racheter des actifs à hauteur de deux milliards de dollars en moyenne toutes les heures… A un moment, les acteurs économiques vont perdre confiance et l’inflation va ruiner les épargnants. 

D’autant, soulignent-ils, que cela a eu pour effet de faire encore grimper le cours des actions, au moment même où l’activité économique ralentissait spectaculairement. Le déphasage entre les chiffres d’affaires et la valeur capitalistique de nombre de sociétés est devenu extravagant. Il permet à un petit nombre de spéculateurs de s’enrichir tandis que le chômage va faire baisser les revenus du plus grand nombre. 

Dans un contexte politique marqué par la perte de confiance envers les élites politiques comme en celles de l’expertise, cela risque de produire des effets désastreux pour la démocratie elle-même. 

Un vaccin… pour relancer la croissance

Que peuvent les politiques pour favoriser une reprise en V de la croissance ? La plupart des experts estiment à présent que le confinement général, tel qu’il a été imposé dans la plupart des pays d’Europe, ce printemps, n’est pas la panacée. Et l’on reparle du modèle suédois, où malgré l’absence de confinement, le nombre de décès dû au COVID par million d’habitants est inférieur à celui de pays tels que l’Espagne, la Belgique ou le Royaume-Uni. 

Les leaders européens sont aujourd’hui davantage enclins à miser sur des confinements limités, comme en Allemagne ou en Grande-Bretagne, et surtout sur la maturité des populations qui ont appris à vivre avec le virus. Les gens mesurent mieux ce qui est en jeu, tant sur le plan sanitaire qu’économique. Ils réagissent en conséquence en adoptant les mesures qui s’imposent : le port du masque dans les lieux publics, les transports collectifs et les lieux de travail, la distanciation sociale, la limitation des rassemblements. Mais surtout, comme c’est le cas en Suède, en travaillant depuis son domicile chaque fois qu’on le peut. 

Riccardo Hausmann recommande la création d’un passeport de santé reconnu de manière internationale. Il permettrait de renouer progressivement avec l’ouverture des frontières aux touristes. 

Mais ce qui sera déterminant pour le redémarrage des économies, ce sera la disponibilité d’un vaccin contre le COVID-19. Barry Eichengreen estime qu’un tel vaccin pourrait être disponible aux Etats-Unis dès la fin octobre. Pour des raisons électorales : ce serait un formidable atout pour Trump. Mais ce serait prématuré, car les essais ne sont pas terminés. Un mauvais vaccin, rendu disponible prématurément, contribuerait beaucoup au climat de suspicion qui fait le lit du populisme


Crédits : France Culture

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