Qu’est-ce que la collapsologie ? (3/3)

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© Can Stock Photo / Artyway

Si les états peuvent péricliter, les civilisations elles ne s’effondrent pas exactement comme dans les films-catastrophes…

Après les collapsologues, je vous avais promis les techno-optimistes. Les voilà ! Si l’on en croit les Canadiens Joanna Szurmak et Pierre Desrochers, auteurs d’un livre consacré à répliquer aux prophètes de la fin du monde écologistes, intitulé Population Bombed ! Exploding the Link Between Overpopulation and Climate Change, les arguments opposés par les « éco-optimistes » aux « éco-pessimistes » tournent autour de deux idées fortes. 

La surpopulation, un faux problème ?

Un, plus un groupe humain concentre de cerveaux, plus il est susceptible de bénéficier de cette intelligence collective pour trouver des solutions à ses problèmes. La surpopulation est donc un faux problème. Plus on est nombreux, plus on est inventif. Deux, le progrès technique est cumulatif. Toute civilisation construit son savoir de manière progressive. Elle acquiert les moyens de régler les problèmes qu’elle rencontre au fur et à mesure qu’ils se présentent. Car, comme l’écrit Steven Pinker, le plus optimiste des éco-optimistes, « le progrès ne peut pas toujours être uniforme et les solutions aux problèmes créent de nouveaux problèmes. » 

Les civilisations évoluées pratiquent une intelligente spécialisation. Il leur faut en outre, toujours selon Pinker, renoncer aux illusions de la Foi, du Dogme et de l’Autorité – qui sont des fauteurs d’illusion. Oser critiquer les méthodes du moment, afin d’en imaginer d’autres, plus efficaces, plus productives. Et surtout se doter des moyens de mesurer les problèmes et le degré d’efficacité des solutions apportées. Ce que les mages de l’Apocalypse se refusent généralement à faire. 

Finirons-nous comme les Mayas ? 

Nous aussi, civilisations, nous savons que nous sommes mortelles, n’est-ce pas. Et nous pourrions bien finir, punis par notre prométhéisme, comme Les Mayas, les habitants de l’île de Pâques, ou la civilisation mycénienne… Toute sorte de documentaires sérieux, de livres importants leur ont été consacrés, dont le best-seller universel de Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, méditent sur ces précédents. Les sociétés en question, nous avertissent-ils, ont péri d’avoir surexploité leur environnement. 

Ainsi, les habitants de l’île de Pâques, selon Jared Diamond, auraient provoqué un désastre écologique en coupant tous les arbres. Et ils seraient demeurés prisonniers, incapables d’échapper à leur « suicide écologique ». Les Mayas, eux, auraient été victimes d’années consécutives de sécheresse, provoquées par la surexploitation des sols. Comme les Mycéniens d’une famine due à la surpopulation. 

Voilà bien des avertissements ! Sauf que ça ne s’est pas passé du tout comme ça. Selon l’archéologue britannique Guy D Middleton, auteur de Understanding Collapse : Ancient History and Modern Myths, les états mycéniens se sont effondrés, c’est vrai. Les fameux Mégarons où siégeaient leurs rois 1 400 ans avant notre ère ont été abandonnés, c’est vrai. Mais rien ne prouve que la vie des paysans, dans les campagnes environnantes, en ait été changée. Rien n’atteste, aux yeux des archéologues, l’existence de la fameuse la famine, imaginée par certains historiens. D’ailleurs, la civilisation mycénienne n’a pas disparu. Elle s’est transformée. Ce sont les Etats qui peuvent s’effondrer. En particulier, lorsqu’au sein d’une même civilisation, ils entrent en conflit. 

Même chose chez les Mayas. Leur empire était probablement constitué de 60 à 70 états relativement indépendants et interdépendants. A la fin de la période classique terminale, oui, un certain nombre de ces Etats ont périclité. Il y a eu des guerres, dont nous ne savons rien puisque ces imbéciles de prêtres espagnols ont brûlé la quasi-totalité des codex dans lesquels les Mayas conservaient leurs archives. Sur plusieurs milliers, il en reste quatre ! Mais si certaines des cités mayas étaient déjà désertées lorsque les Espagnols y ont pris pied au XVI° siècle, il est inexact de prétendre que l’empire maya s’était « effondré ». De nouvelles cités avaient été bâties ou rebâties, comme Chichen Itza, Mayapan, ou Uxmal.

Pas de « désastre écologique » à l’île de Pâques !

Quant à l’île de Pâques, il semble bien que le soi-disant « désastre écologique » soit une invention récente. Les premiers explorateurs, comme Jacob Roggeveen, en 1722, écrivent qu’ils trouvèrent sur l’île en abondance sucre de canne, volailles, igname, poissons, crabes et crustacés. Les îliens avaient, à cette époque, développé des techniques agricoles sophistiquées et adaptées aux conditions climatiques, utilisant sur des cultures en terrasses, des cailloux pour prévenir l’érosion. Il semble que la population de l’île n’ait jamais dépassé les 4 000 personnes et que les ressources de l’île aient suffi à les nourrir. Quant aux fameuses sculptures monumentales qui ont fait la réputation de l’île de Pâques, les moai, elles étaient encore toutes dressées à la verticale en 1722. Mais les habitants avaient cessé de les vénérer. Ils avaient simplement changé de culte. C’est ultérieurement qu’elles ont été renversées. 

Ce sont les maladies apportées par les Européens, et les raids meurtriers opérés par les trafiquants d’esclaves qui ont dépeuplé l’île de Pâques. Et non un désastre écologique, très certainement imaginaire.  

Armageddon, The Day After…

Nous voyons trop de films apocalyptiques ! Selon l’archéologue Guy Middleton, c’est notre conditionnement culturel qui nous pousse à privilégier les scénarii les plus catastrophiques. Nous projetons sur un passé que nous connaissons mal les fantasmes d’apocalypse que nous nourrissons vis-à-vis de notre propre avenir. Mais le pire n’est jamais sûr.

Crédits : France Culture

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