Jacqueline de Romilly : « la solitude, on peut aussi l’appeler liberté »

Jacqueline de Romilly a voué sa vie à l’étude et à l’enseignement de la littérature grecque ancienne et à ses grands auteurs. Elle livre ici son sentiment sur l’expérience de la solitude.

« La solitude est parfois dure à supporter ; elle comporte des coups de cafard, à l’heure où le soleil se couche et où commence une soirée vide. Mais elle dispense tant de joies ! Se lever très tôt à l’aurore et s’en aller, à son gré, à son heure, c’est déjà une joie.

Sentir avec intensité tout ce que l’on ressent, parce que l’on s’y donne en entier, c’est une richesse de plus.

Poursuivre un même problème, âprement, de toute son attention, et déjeuner à trois heures s’il le faut, c’est une force. Aussi ai-je parfois tendance à penser que – sauf exceptions, naturellement – dans nos vies d’ici-bas, tous les lots sont équivalents. Je veux dire par là qu’un mari, un amant, des enfants sont des sources de hautes joies, mais entraînent aussi des soucis, des inquiétudes pour eux ou à cause d’eux, des espoirs parfois trompés, des déceptions, des absences. Celui qui n’a pas les joies n’a pas non plus les soucis. et, libres d’eux, il peut découvrir, s’il sait y parvenir, d’autres plaisirs sans prix, qui n’appartiennent qu’à lui.

La solitude, on peut aussi l’appeler liberté : il faut seulement, comme pour la liberté en général, savoir la vivre et en vivre. »


Jacqueline de Romilly, Sur les chemins de Sainte-Victoire, Julliard, 1987.

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