Une crise des dettes souveraines est-elle possible en Europe ?

En 2010, deux ans après la crise des subprimes, la zone euro était menacée par l’incapacité pour certains Etats de faire face à des déficits combinés, déficits publics et déficits des paiements courants. Le sauvetage du système monétaire européen est passé par la mise en place d’outils de solidarité (Fonds Européen de Stabilité Financière et Mécanisme Européen de Stabilité Financière) et par l’application de plans de rigueur dans les pays concernés visant à réduire la demande intérieure et donc à rétablir les équilibres extérieurs. La Grèce a été l’épicentre de cette crise des dettes souveraines qui a également concerné les Etats dits périphériques : Espagne, Portugal et Italie.

Tant qu’un Etat dispose d’un excédent extérieur, ce qui correspond à un excédent d’épargne, il ne peut pas être logiquement confronté à une crise de balance des paiements ou à une crise de la dette domestique. Une crise peut survenir avec un excédent d’épargne quand les épargnants privilégient les investissements à l’étranger. Cette situation survient essentiellement au sein des pays émergents ou en développement.

Au sein de la zone euro, une crise de la dette pourrait se manifester sur un pays enregistrant un déficit de la balance des paiements courants rencontre des difficultés pour le financer. Sont potentiellement concernés la France, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et le Portugal.

Dans un contexte de ralentissement de la croissance, le niveau élevé de la dette publique (100 % du PIB en moyenne en zone euro) et la hausse des taux d’intérêt, qui sont passés de 0 à près de 2 % pour les obligations d’Etat à 10 ans, augmentent les risques de crise. En 2010, le déclenchement de la crise en Grèce avait été le relèvement du cours du baril de pétrole qui avait accru le déficit de la balance des paiements courants et pesé sur la croissance.

En 2010, la balance des paiements courants grecque était déficitaire de 12 % du PIB, la dette extérieure nette dépassait alors 100 % du PIB. Face à la crainte d’une incapacité à rembourser, les investisseurs ont exigé des taux de plus en plus élevés. L’écart de taux avec l’Allemagne a atteint plus de 40 points en 2012 mettant en situation de quais banqueroute l’Etat grec. Pour l’Italie et l’Espagne, l’écart était de 6 points. La hausse des taux et les plans de rigueur ont provoqué une chute de la demande intérieure de 40 % en Grèce, de 10 à 20 % en Italie, en Espagne ou au Portugal. La crise de 2010-2013 était initialement une crise de la balance des paiements courants, crise accentuée par les imposants déficits publics qui mobilisaient une grande partie de l’épargne disponible.

Et aujourd’hui ?

Dix ans plus tard, certains Etats membres de la zone euro sont confrontés à des niveaux d’endettement sans précédent en période de paix. Le taux d’endettement s’élevait à 200 % du PIB pour la Grèce, 150 % pour l’Italie, 125 % pour le Portugal, 122 % pour l’Espagne, et 113 % pour la France. La dette de l’Allemagne représente 75 % du PIB.

Le financement de la dette publique devient donc un problème quand les Etats enregistrent des déficits extérieurs structurels importants. Au niveau de la zone euro, les pays fragiles sont la France, la Grèce et le Portugal à un moindre degré. La balance des paiements courants de la France est déficitaire de 2 % du PIB et la dette extérieure nette s’élève à plus 25 % du PIB. La balance courante espagnole est déficitaire de 0,5 % du PIB quand celle de l’Italie est excédentaire. En revanche, celle de la Grèce demeure déficitaire de plus de 4 % du PIB. La dette extérieure de l’Espagne représente 75 % du PIB, celle du Portugal près de 100 % et celle de la Grèce 175 %. L’Italie dispose en revanche d’une position créditrice positive de 5 % du PIB. La situation de la France apparaît ainsi plus délicate que celle de l’Italie. Les Pays d’Europe du Nord se caractérisent par des actifs extérieurs importants et une balance des paiements courants positive.

Si les pays d’Europe du Sud, y compris la France, n’arrivent pas à réduire leur déficit extérieur, ils pourraient subir une crise de financement dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

La solution pour l’éviter serait de freiner la demande en instituant une politique de relative rigueur. Or, après la crise sanitaire et en période de hausse des prix, peu de gouvernements souhaitent appliquer une telle politique. La décision de la Commission de Bruxelles de différer le rétablissement des critères budgétaires semble indiquer qu’il faut laisser du temps au temps avant de revenir aux règles de bonne gestion…


Crédit Photo : Can Stock Photo – alphaspirit

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