France : le difficile assainissement des comptes publics

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Philippe Crevel, économiste, livre ses analyses pour www.dirigeant.fr

POINT ECO – Avec la réintroduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) dans la grille des cotisations sociales, occasionnant une dépense en double en 2019, le déficit a été en hausse l’année dernière. Ainsi, le solde budgétaire de l’État s’est établi à -92,837 milliards d’euros, se creusant par rapport à son niveau de 2018 (-76,002 milliards d’euros), selon les données publiées mardi 4 février par le ministère de l’Action et des Comptes publics. Si le déficit a augmenté en 2019 par rapport à 2018, le Ministre de l’Action et des Comptes publics a souligné que le déficit en fin d’exercice est inférieur de 4,9 milliards d’euros par rapport à celui prévu en loi de finances initiale.

L’année dernière, les dépenses ont augmenté de 1,9 % et se sont élevées à 397,98 milliards d’euros contre 390,69 milliards en 2018. Pour les dépenses, L’État a bénéficié de la baisse des taux d’intérêt, ce qui a réduit les charges de la dette. Ces dernières ont diminué de 3,1 % à 40,256 milliards d’euros. En revanche, les dépenses de personnel progressent de 1,6 % (à 131,6 milliards d’euros), celles d’investissement de 5,1 % (à 12,4 milliards d’euros) et les dépenses d’intervention de 6,2 % (à 95,75 milliards d’euros). 

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La hausse des dépenses n’a pas été compensée par une augmentation des recettes, qui ont diminué de 4,1 % sur la période, passant de 313,78 de 301,07 milliards d’euros en raison des mesures fiscales mises en œuvre et le ralentissement constaté en fin d’année. Les recettes fiscales nettes à fin décembre 2019 sont en baisse de 14,1 milliards d’euros par rapport à fin décembre 2018. Cette baisse est liée à celle des recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée de 27,8 milliards d’euros par rapport à fin décembre 2018. La TVA a fait l’objet d’un transfert au profit des organismes de Sécurité sociale au titre de la compensation du CICE. Les recettes de l’impôt sur le revenu sont également en repli de 1,7 % à 71,743 milliards d’euros en raison des mesures prises après la crise des Gilets jaunes (exonération des heures supplémentaires, exonération des primes Macron). 

La forte hausse du solde des comptes spéciaux, de 0,82 à 4,07 milliards d’euros, s’explique notamment par les recettes issues de la privatisation de la Française des Jeux. Les comptes spéciaux recensent notamment les flux financiers liés aux avances consenties aux collectivités territoriales dans le cadre du recouvrement par l’État des impôts locaux et les participations financières de l’État.

Plus de dix ans après la crise de 2008, la France n’arrive toujours pas à assainir ses finances publiques et cela malgré une forte réduction du service de la dette rendue possible par la baisse des taux d’intérêt. La France se démarque des autres États de la zone euro qui ont consenti des efforts plus importants au point que le déficit public des États membres de la zone euro n’a été que de 0,5 % du PIB en 2019 contre 3,3 % pour la France. De nombreux gouvernements des États membres de l’Union européenne s’inquiètent des reports successifs du retour à l’équilibre des comptes publics français. Les dernières tergiversations sur les l’évolution des régimes de retraite ne les rassurent pas davantage. La dette publique française, qui a franchi la ligne des 100 % du PIB en 2019, n’est pas encore stabilisée plus de dix ans après la crise de 2008. Les baisses d’impôt décidées depuis deux ans ne sont pas compensées par des économies, ce qui se traduit immanquablement par une augmentation du déficit.

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