Les vertus féminines et masculines

Captkure
Marguerite Yourcenar (capture d’écran YouTube)

Dans les entretiens qu’elle avait accordés à Matthieu Galey, Marguerite Yourcenar (1903-1987), qui fut la première femme à entrer sous la Coupole, retraçait  l’itinéraire d’une existence voyageuse et mouvementée, de son enfance flamande, avant la guerre de 1914, auprès d’un père d’exception, jusqu’à sa retraite des Monts-Déserts, sur la côte Est des États-Unis.

 » Enfin, les femmes qui disent  »les hommes » et les hommes qui disent  »les femmes », généralement pour s’en plaindre dans un groupe comme dans l’autre, m’inspirent un immense ennui, comme tous ceux qui ânonnent toutes les formules conventionnelles. Il y a des vertus spécifiquement  »féminines » que les féministes font mine de dédaigner, ce qui ne signifie pas d’ailleurs qu’elles aient été jamais l’apanage de toutes les femmes : la douceur, la bonté, la finesse, la délicatesse, vertus si importantes qu’un homme qui n’en posséderait pas au moins une petite part serait une brute et non un homme.

Il y a des vertus dites  »masculines », ce qui ne signifie pas plus que tous les hommes les possèdent : le courage, l’endurance, l’énergie physique, la maîtrise de soi, et la femme qui n’en détient pas au moins une partie n’est qu’un chiffon, pour ne pas dire une chiffe. J’aimerais que ces vertus complémentaires servent également au bien de tous. Mais supprimer les différences qui existent entre les sexes, si variables et si fluides que ces différences sociales et psychologiques puissent être, me paraît déplorable comme tout ce qui pousse le genre humain, de notre temps, vers une morne uniformité. « 


Marguerite Yourcenar, Les Yeux ouverts, Le livre de Poche, 1981.

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