Chroniques estoniennes (5) : « une « mafia » à la conquête du monde »

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Sur les murs de l’espace de coworking Lift99 s’étale l’#EstonianMafia Wall of Fame qui regroupe les startups les plus prometteuses du pays. Ce surnom de mafia va bien à l’écosystème des startups estoniennes qui ont réussi à créer une communauté très efficace. Dans l’immeuble entièrement tagué à l’extérieur, les startupers s’activent dans l’espoir d’être un jour sur ce mur.

Merilin Lukk, responsable du programme gouvernemental Startup Estonia évoque cette mafia d’une voix tranquille et en pose les principes et réussites. Son objectif, dont elle ne doute pas de la réussite, est simple : accélérer la croissance de cet écosystème afin qu’il englobe 1000 startups en 2020. Financé par les fonds structurels européens pour une période de 5 ans (2015-2020), Startup Estonia est d’une efficacité redoutable. Fin 2019, l’Estonie devrait compter 800 startups pour 1,3 million d’habitants. À population équivalente, c’est environ quatre fois plus qu’en France.

Le pays soutient leur développement à travers un environnement législatif conciliant et est aidé par l’écosystème digital déjà bien développé qui offre des services comme du coworking ou des incubateurs. « La bonne nouvelle, nous glisse Merilin, c’est qu’en Estonie, les startups éclosent et meurent tout le temps ! ». L’esprit est darwinien et peu importe le nombre d’échecs, les survivants offrent au pays 5000 emplois d’après Merilin. L’écosystème peut se vanter d’avoir levé presqu’un milliard d’euros en investissement, dont 19 % viennent de l’étranger.

Vous rappelez-vous ce qui a rendu les appels internationaux possibles ? Skype a été développé et continue à l’être en Estonie. Depuis cette première licorne, dont le succès fait rêver les techkids, le pays baltique ultra connecté en a trois nouvelles : Playtech1 (e-sport), TransferWise2 (entreprise de transferts d’argent internationaux de pair à pair) et Bolt3 (anciennement Taxify et concurrent de Uber).

18 minutes pour créer une entreprise

Dans ce pays où l’on peut créer une entreprise en seulement 18 minutes, le capital humain manque, comme le souligne Yrjö Ojasaar de Change Ventures : « Nous avons des développeurs turcs, russes… car nous recrutons des développeurs estoniens, mais si l’on veut continuer à grandir rapidement, c’est difficile avec une nation si petite ».

Les fondateurs des startups estoniennes ont ainsi convaincu le gouvernement d’assouplir la législation sur la venue de talents vivant en dehors de l’Union Européenne. En moins d’un an, le visa startup était né (2013). Avec ce visa, il est possible de résider en Estonie, d’y travailler, de venir avec sa famille et de créer son entreprise. Pour l’obtenir, l’entreprise doit être définie comme startup. Ce n’est pas une étape facile, seulement 44 % des demandes sont acceptées, mais c’est la seule à compléter pour avoir ce visa.

Après deux ans, 490 entreprises étaient déjà déclarées « startup ». La mafia digitale estonienne a donc tout le soutien du gouvernement et loin de le rêver en Silicon Valley de l’Europe, Merilin Lukk préfère voir son pays comme le talent de l’Europe de l’Est à taille humaine et avec un sens de la communauté inégalable.


Virginie Hoarau

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