Télétravail : tous prisonniers chez soi ?

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© Can Stock Photo / ocusfocus

Youpi, nous voilà de nouveau libres. Libres de retourner sur notre lieu de travail… Tu parles d’une liberté !

C’est la question qui est au bout des lèvres de tout DRH, de tout chef d’entreprise. Après presque 2 ans et demi de claustration forcée, après avoir vécu les hauts et les bas de la mise en place du télétravail, comment va se passer le retour des salariés sur leur lieu de travail ?

Le télétravail a été plus ou moins bien vécu. Il a été un paradis pour certains. Le mois de mars et les et avril 2020 ont été particulièrement chauds et pour ceux qui avaient un jardin, le barbecue n’a pas eu le temps de beaucoup refroidir. Un ami expert-comptable me disait qu’une de ses salariées avait démissionné parce qu’elle en avait marre de travailler toute la journée, alors que dans son lotissement, elle entendait les cris de ses voisins qui festoyaient et profitaient de la vie dans leur jardin. Elle a tout simplement craqué. Et quelque part, je la comprends.

Pour d’autres, notamment pour ceux qui n’avaient pas suffisamment d’espace pour dégager un coin intime et calme propice au travail, cela a été l’enfer. Dans les grandes villes, la promiscuité a été difficile à gérer. Une amie qui dirige une société une centaine de personnes m’avouait qu’un de ses salariés avait travaillé sous la table de la cuisine pendant le premier confinement, alors que sa femme travaillait dessus. Il ne s’agit pas d’une blague. S’ajoute à cela l’école à la maison et la difficulté à conjuguer vie familiale et vie professionnelle en un même lieu, en un même temps.

Autre témoignage, celui d’un ami dirigeant une entreprise de 1200 personnes dans le secteur des services informatiques. Celui-ci a souhaité prendre la température des salaires avec un sondage. Une question claire, presque couperet : souhaitez-vous revenir travailler en présentiel ? À 95 %, les salariés se sont prononcés pour le maintien du télétravail. Objectivement m’avouait mon ami, on ne pouvait pas refuser aux salariés le fait de rester travailler chez eux : pendant le confinement, leur productivité avait été mesurée (c’est assez facile à faire dans ces métiers où l’on mène des projets avec des échéances et des livrables) et celle-ci a augmenté pendant les confinements. Quel argument justifierait un retour sur le lieu de travail ?

Le contrôle se réinvente

Si déjà on souhaite dessiner les contours du travail de demain, alors l’épisode de la pandémie — que l’on espère terminé — aura été décisif. Le télétravail n’avait jusque-là jamais été envisagé avec sérieux. Certains managers s’y opposaient. Trop d’opacité, pas assez de confiance. Et puis un manager qui ne contrôle pas, est-ce encore un manager ? Mais la covid a changé radicalement la donne. L’exception est devenue la règle. Il est indéniable aujourd’hui que la qualité de vie au travail passe par le télétravail. On s’en doutait un peu avant la covid.

Des éditeurs de logiciel ont depuis longtemps développé des solutions de flicage permettant de mesurer la productivité des salariés chez eux, sur leur poste de travail. De nombreuses entreprises auront recours à leurs services. Et pourtant, il faut couper court à ce réflexe. De nombreux salariés expriment depuis des années leur lassitude et leur énervement à subir ce contrôle sur leur lieu de travail. S’ingénier à transposer ce contrôle dans le cadre du télétravail, dans le domicile même du salarié, ne me semble pas la stratégie la plus appropriée pour redonner goût à la liberté et au travail après la période que nous avons vécue. Il ne faudrait pas faire durer et consolider le sentiment d’être prisonniers chez soi. Non ?

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