La difficile naissance de la zone de libre-échange africaine

Les États africains dépendent de leurs exportations de matières premières et d’énergie vers les pays occidentaux. Ces dernières représentent plus de 70 % des exportations africaines. Le commerce intra-africain reste faible par rapport au commerce extérieur du continent. Seulement 18 % des exportations des pays africains sont destinés à d’autres pays du continent, une part inférieure aux chiffres respectifs de l’Asie et de l’Europe (58 et 68 %).

Les responsables africains sont conscients que le développement de leur pays passe par les échanges internes au continent. La zone de libre-échange continentale africaine est censée y contribuer. Ce pacte, ratifié par 41 des 55 pays africains vise à faciliter le commerce et à favoriser la production industrielle, les revenus et la croissance. La Banque mondiale estime que sa mise en œuvre permettrait, d’ici 2035, à 30 millions de personnes supplémentaires d’échapper à l’extrême pauvreté grâce à une augmentation des salaires de 10 %. Les exportations intra-africaines pourraient progresser de plus de 80 %. Cette zone de libre-échange est en théorie opérationnelle depuis le début de cette année, mais, dans la pratique, aucun échange n’a eu lieu selon les termes du traité en raison de conflits politiques entre plusieurs États membres.

Un transport de marchandise plus coûteux

La zone de libre-échange prévoit une baisse des tarifs douaniers et un démantèlement progressif des barrières commerciales non tarifaires. Aujourd’hui, les exportations d’un État à l’autre de produits agricoles sont compliquées. Les formalités administratives aux passages frontaliers et la corruption renchérissent le coût des échanges rendus difficiles par l’absence d’infrastructures appropriées. Le transport de marchandises en Afrique peut être trois à quatre fois plus coûteux que dans d’autres parties du monde. En 2017, il fallait en moyenne 251 heures pour s’assurer que les documents étaient en règle lors de l’importation de marchandises en Afrique subsaharienne, contre neuf heures dans les pays riches de l’OCDE.

Pour tirer profit de la zone de libre-échange, les États africains doivent réaliser d’importants investissements dans les infrastructures et mener des actions de simplification au niveau des passages de douanes.

Le problème numéro un sera de convaincre les dirigeants africains qui sont nombreux à être protectionnistes. L’Égypte, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud qui ont tout à gagner de l’ouverture des frontières y sont pour autant les plus opposés.

L’accord de libre-échange africain est par ailleurs concurrencé par les traités commerciaux que les États africains ont signés avec l’Europe, les États-Unis ou la Chine. Les exportateurs africains privilégient les échanges avec les pays riches au détriment de ceux intracontinentaux. Une harmonisation des règles commerciales serait souhaitable afin d’encourager les relations entre États africains. La crise ukrainienne qui conduit les pays occidentaux à rechercher de nouveaux fournisseurs de matières premières et d’énergie ne devrait pas faciliter la mise en place de relations équilibrées. Cette crise pose par ailleurs le problème d’approvisionnement en énergie et en produits agricoles des pays africains importateurs et qui se retrouvent en situation d’importante vulnérabilité.


Crédit Photo : Magda Ehlers – Pexels

Partager cet article