Réindustrialisation : pas si facile…

Depuis plusieurs années, les pays occidentaux mettent en avant leur volonté de relocaliser sur leur territoire tout ou partie de leur production industrielle. L’épidémie de covid et la guerre en Ukraine ont renforcé cette conviction en soulignant la dépendance des États de l’OCDE, que ce soit vis-à-vis des produits de santé, les microprocesseurs ou des biens industriels grand public (bouteille, papier, cartons, etc.).

Depuis 30 ans, le poids des importations de produits industriels au sein des pays de l’OCDE est passé, en volume, de 40 à 80 % de la valeur ajoutée du secteur manufacturier. L’emploi manufacturier est en baisse constante depuis 30 ans. En 2021, il représentait 10 % de l’emploi total au sein de l’OCDE, contre 20 % en 1990. Si des relocalisations étaient réalisées, les pays émergents devraient enregistrer des destructions d’emplois industriels et une baisse de leur production industrielle. Or l’emploi manufacturier dans les pays émergents reste stable depuis 2011 et la production continue à augmenter. Elle a triplé entre 1990 et 2022. Depuis 2020, elle a progressé de 6 %, quand au sein de l’OCDE, elle est stable. En France, la production industrielle en volume n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise sanitaire.

Les entreprises de l’OCDE et in fine les consommateurs n’ont pas fait le choix d’une production de biens industriels plus chers. Les coûts de production au sein des pays émergents sont deux fois plus faibles qu’au sein de l’OCDE. Pour réduire l’attrait des produits issus des pays émergents, certains imaginent instituer un protectionnisme environnemental, d’autres plaident en faveur d’une robotisation maximale des usines afin de rendre l’industrie occidentale compétitive, ce qui suppose un effort d’investissement.

Derrière les bonnes intentions

Les États occidentaux sont par ailleurs confrontés aux problèmes de main-d’œuvre. Le manque de techniciens, d’ingénieurs limite les possibilités de relocalisation. Les salariés ayant trouvé un emploi dans les services ne sont pas facilement employables dans l’industrie. En outre, les communes et leur population sont rarement enclines à accepter l’implantation d’usines industrielles sur leur territoire.

L’augmentation des coûts de production générée par la hausse des matières premières et de l’énergie conduit non pas à des relocalisations, mais à une accélération des délocalisations, les entreprises cherchant à y échapper.

Les emplois et la production industrielle ont tendance à reculer depuis le début de l’année 2022. Les importations en provenance des pays émergents sont en hausse en volume. Les plans de relance décidés par les gouvernements occidentaux ont accru la demande en biens étrangers. Les importations des États membres de l’OCDE depuis les pays émergents hors pays producteurs de pétrole sont passées, par mois, de 250 à 380 milliards de dollars de 2019 à 2022.

Entre l’intention de relocaliser et sa matérialisation, plusieurs années sont nécessaires. La construction d’usines exige du temps compte tenu des contraintes urbanistiques et environnementales. La décision de plusieurs gouvernements de favoriser l’émergence de filières de production de batteries ne se concrétisera qu’après 2025.

Crédit Photo – Photo de Kateryna Babaieva – Pexels

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